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W. Vollgraff, effectuant en 1929 une série de sondages dans la
région située à l'Est du théâtre d'Argos,
à 110 mètres environ au Nord du bâtiment qu'on a ensuite
interprété comme une salle
hypostyle[1], avait
repéré et commencé le dégagement d'un vaste ensemble
de mosaïques, dont la fouille a été reprise en
1953[2], et achevée en
1955[3]. Vollgraff avait
attribué ce pavement à la décoration d'une grande basilique
paléochrétienne, qui aurait été construite sur
l'emplacement du temple d'Apollon
Lykeios[4]. En fait, les derniers
travaux ont montré qu'il s'agissait plus simplement d'une riche maison,
comportant d'une part une cour, partiellement pavée en opus sectile, et
bordée à l'Ouest et au Sud par un portique
en G, avec une petite pièce en retour
à l'Est ; d'autre part, s'ouvrant sur le portique Ouest, une vaste salle
à manger avec ses annexes. La décoration de la salle à
manger présente, en avant de l'espace réservé au lit, et
matérialisé par une zone semi-circulaire, une large bande
rectangulaire avec une représentation dyonisiaque. Le portique Ouest
était orné de sept tableaux figurant la chasse au faucon, et la
petite salle Est d'une composition unique, épisode de chasse encore,
où l'on voit un personnage, genou à terre, se défendre
contre un fauve qui bondit sur lui, tandis qu'un autre chasseur porte à
son secours. Il ne sera question ici que de la décoration du portique
Sud, dont les six panneaux représentent les Mois de l'année. Le
premier, situé sous une rue, était connu depuis la fouille de
Vollgraff ; mais les travaux avaient été empêchés par
l'état des lieux, la bande décorée s'enfonçant sous
la maison Kolivinou. C'est seulement en 1955 qu'il fut possible de sonder sous
le sol cimenté de cette maison, pour vérifier l'état de
conservation de la mosaïque, puis de détruire toute la construction
moderne de la rebâtir, après avoir déposé le
pavement ancien, qui doit être mis en place dans le nouveau musée
d'Argos. On voudrait ici, en attendant la publication complète des
mosaïques de ce site, donner une première présentation de la
série des Mois, particulièrement remarquable par son magnifique
état de conservation (fig. 1), le charme des représentations
allégoriques, et, dans une certaine mesure, leur nouveauté. La
figure 2 donne une idée de la technique du pavement. Les cubes, hauts en
moyenne de 0 cm. 6 à 1 centimètre, sont enfoncés dans une
couche de mortier de chaux blanc très fin, épais au total de 1 cm.
5 environ, et qui repose elle-même sur une couche de 2 cm. 5 de mortier
rose dur, comportant une forte proportion de tuile pilée. En dessous
venait une couche plus friable de mortier grisâtre (hauteur 3
centimètres en moyenne), à la base duquel une couche
irrégulière de cailloutis et de fragments de briques te à
l'ensemble du pavement une raideur qui explique son excellente
conservation[5]. Les cubes
eux-mêmes ont des côtés longs parfois de 1 cm. 5, pour les
fonds et le décor géométrique mais qui parfois aussi ne
dépassent guère 4 ou 5 millimètres, pour les figures. Dans
les parties les plus soignées, têtes par exemple, on en compte, en
moyenne, 160 sur une surface de 10 centimètres carrés, ce qui ne
saurait faire classer ce travail parmi les mosaïques “
fines ”[6]. Ils sont de
forme très irrégulière, souvent habilement utilisée
en fonction du dessin à tracer : on remarque, en particulier, l'emploi de
rectangles très allongés pour les cernes. Normalement, ils sont
taillés dans des pierres locales, que J. Scordos, le technicien du
Service Archéologique grec, a diligemment retrouvées ; mais on
note aussi l’emploi de smaltes, tout particulièrement une
matière d'un vert olivâtre moyen, qui en bien des endroits a
disparu, ne laissant que des traces dans l'alvéole du
mortier[7] : le bleu est
complètement absent.
Le parti décoratif est simple et
riche à la fois : les Mois sont figurés par groupes de deux, ce
qui donne six panneaux en tout. Pourtant on aperçoit, au début de
la série, l'angle d'un panneau complètement détruit, et
dont l’interprétation est
difficile[8].
Les
panneaux[9] sont chacun
entourés d'une bande à motif géométrique ; ils
sont séparés entre eux et séparés des longs
côtés par une large bordure avec rinceaux, mascarons, et petits
sujets ; enfin, la composition est fermée, sur les longs
côtés, par une file de tresses, et, à l'Est, par un
entrelac.
Les cadres à motifs géométriques
Les panneaux sont déterminés par des cadres à motifs
géométriques blanc et rouge brique, dont le principe
décoratif est fixe[10], mais
dont le dessin présente quatre variétés.
Le cadre
du panneau 0, comme celui du panneau
4[11] comporte une ornementation de
perles, avec sur le fond rouge des grosses perles longitudinales blanches,
séparées chaque fois par deux perles transversales. La
régularité du schéma n'est pas
absolue[12] (fig. 10.).
Les
cadres des panneaux 1 et 5 sont décorés de vagues, dont le motif
est lisible dans les deux sens, de l'intérieur et de l'extérieur,
mais ici encore avec des irrégularités sensibles. Si, au panneau 1
(fig. 7), on considère les vagues rouges, on constate que sur trois
côtés elles ont leur base triangulaire à l'extérieur
et s'inclinent vers la droite, mais que sur le côté Est (à
droite de Février), elles s'inclinent toujours vers la droite, mais en
ayant leurs bases à l'intérieur, ce qui crée aux angles des
rencontres très
maladroites[13]. D'autre part, la
largeur du cadre est insuffisante, au Sud et à l'Ouest
particulièrement, pour que les vagues rouges et blanches aient même
ampleur, si bien que celles-là, comme sacrifiées, sont
séparées les unes des autres, et forment pratiquement des sortes
de crochets indépendants. C'est une indication que le motif est
plutôt destiné à être lu de l'intérieur, et
même que l'ouvrier travaillait à partir de l'intérieur, ce
qui d'ailleurs est logique[14]. En
fait, cette particularité est liée à une autre, que, pour
la bande Est, une ligne blanche passe sous les vagues blanches, une ligne rouge
sous les vagues rouges, pour les séparer du trait noir ; sur les trois
autres côtés au contraire, les vagues rouges sont soulignées
d'un trait blanc les vagues blanches d'un trait rouge, et cette anomalie
renforce la discontinuité de la série. Par contre, le cadre du
panneau 5 (fig. 11) présente une régularité presque absolue
: sur tout le pourtour, les vagues rouges, dont l'enroulement est deux fois plus
large que celui des vagues blanches, partent de la ligne intérieure du
cadre ; l'arrangement aux angles est habile, et tout se passe comme si
l'artisan, ayant commencé par le panneau 1, y avait à la fois fait
l'épreuve des difficultés, et conçu les solutions qu'il
allait appliquer dans la suite de son travail.
Le motif du panneau 2,
utilisé aussi en 6 (fig. 8 et fig. 12), est encore une fois lisible dans
les deux sens : il s'agit de merlons, sortes de créneaux en escaliers,
bien connus dans la décoration
antique[15], blancs à
l'intérieur, rouges à l'extérieur. Dans les deux cas,
l'arrangement aux angles est
malhabile[16]. Mais en 2 les
merlons, avec leurs trois largeurs décroissantes, reposent normalement
sur une ligne continue de leur propre couleur ; en 6 au contraire, les
triangles blancs sont directement soulignés par le trait noir qui cerne
le tableau intérieur, si bien qu'ils sont séparés les uns
des autres, alors que les triangles rouges reposent sur une double bande
rouge[17]. Le cadre du
panneau 3 est le seul qu'on trouve à un exemplaire seulement (fig. 9). Il
s'agit de feuilles ovoïdes inclinées à droite et à
gauche, motif directement dérivé de celui des cercles
entrelacés (c'est la moitié d'une file de cercles), dont la faveur
a été immense dans toute l'antiquité
romaine[18]. C'est ici aussi
qu'apparaît, pour la première fois le noir : les feuilles sont soit
blanches, soit noires, sur un fond rouge brique. Dans les triangles
réservés entre les feuilles, le fond est diversifié par
trois points la tantôt blancs, tantôt noirs, sans qu'aucune
règle préside à leur répartition.
Ainsi,
l'ordre de ces motifs décoratifs, à partir du panneau
complètement détruit, comporte deux fois la série : perles,
vagues, merlons, séparées par le motif unique des feuilles. Cette
répartition suggère que le panneau disparu devait avoir une
importance, au moins décorative, égale à celle des autres.
L'utilité de ces cadres aux ornements géométriques simples
est assez évidente ; s'ils ferment et limitent les tableaux à
personnages, leur rôle n'est pas moins, pour la couleur et la
lumière, d'établir une transition entre les deux fonds, clair des
panneaux, sombre de la bordure au rinceaux. Le fait qu'on peut les lire dans les
deux sens, particulièrement ceux de 1, 2, 5 et 6, facilite grandement cet
effet optique.
La bordure aux rinceaux et mascarons
Le schéma décoratif de cette bordure repose sur une
alternance de mascarons et de médaillons ornés de petits sujets,
reliés les uns aux autres par des rinceaux. Les mascarons, qui rythment
la composition, marquent les points où se rencontrent, à
l'extérieur, les diagonales des panneaux ; c'est de leur chevelure,
ou de leur barbe, que partent les lignes végétales sinueuses, dont
les enroulements déterminent, entre eux, trois ou quatre cercles, au
centre chaque fois occupé par un petit
sujet[19] (fig. 1). Les
médaillons sont tous destinés à être vus dans le
même sens que l'ensemble de la
mosaïque[20], sauf les deux
derniers, à l'Est, qui sont axés sur les diagonales : il devait en
être de même pour les deux premiers, disparus, et ainsi la
composition était fermée à ses
extrémités[21]. Toute
cette décoration se déroule sur un fond
noir[22], qui caractérise
l'encadrement par rapport aux sujets : les panneaux
décorés.
Ces mascarons sont remarquables à la fois
par leur caractère décoratif et par leur intensité de vie,
à laquelle ne nuit pas leur manque de “
réalisme ” bien au contraire. Ils sont tous différents
(fig. 3, 4, 5, 6), et si plusieurs se ressemblent, comme il est naturel dans un
ensemble si important (on en comptait 16, uniquement pour cette mosaïque
des Mois), certains constituent des types inoubliables. Ils se
caractérisent par le grand développement de la partie
inférieure du visage par rapport à sa partie supérieure,
avec un front absolument atrophié (cf. surtout fig. 4), souvent
barré de rides, par l'importance donnée aux yeux, énormes,
sourcilleux et cernés, avec parfois un double trait pour marquer
l'épaisseur de la paupière ; le nez toujours important et long,
prend sa racine très haut entre les yeux, et le plus souvent des rides
vigoureusement marquées, soulignant les joues, descendent jusqu'à
la bouche, qui parfois s'entrouvre pour montrer quelques
dents[23]. Ces visages sont
normalement vus de face, contrairement à celui de la fig. 6, qui,
placé à un angle de la mosaïque de la Chasse, semble
participer à ses deux orientations : alors que la masse de la tête,
les yeux, la bouche sont dans l'axe ou tournés à droite, et vus
plutôt par en dessous, le nez est nettement dévié à
gauche, et vu en plongée, ce qui n'est pas sans évoquer quelques
recherches de la peinture moderne. La chevelure et la barbe sont faites des
premières feuilles des rinceaux, qui se détachent des têtes
avec une aisance souvent admirable. La stylisation de ces visages est si
poussée, que la liaison avec le motif végétal semble s'y
établir sans la moindre difficulté.
Les rinceaux se
développent normalement de la gauche vers la droite, et, dans les bandes
verticales, aussi bien depuis le haut que depuis le bas. Ils comportent deux
“ lignes de serpentement ” inverses, faites l'une d'un rameau
unique continu, l'autre des feuilles qui complètent de leurs demi-cercles
les demi-cercles les demi-cercles opposés du rameau et déterminent
les cadres des petits sujets. Cette construction en cercles est fortement
marquée : les feuilles sont nettement découpées vers
l'intérieur, y créant un espace irrégulier, mais la ligne
extérieure, par sa sobriété, assure l'unité
intelligible de la figure géométrique. Les rameaux continus sont
à “ dominante ” rose-rouge, et les feuilles
complémentaires à dominante jaune-vert ou
l'inverse[24]. En fait, s'il
n'analyse pas son arrangement matériel dans l'accrochage des divers
éléments, l'oeil suit d'un mascaron à l'autre deux lignes
entrelacées, l’une de dominante rose, l'autre de dominante verte ;
ces deux couleurs, pratiquement complémentaires, et qui couvrent une
grande partie de la surface de l'encadrement, en ramènent la “
valeur ” lumineuse à un niveau à peine plus bas que celui
des panneaux. La liaison entre les rameaux et les feuilles
complémentaires se fait par des calices et des
corolles[25], d’où
partent encore, vers l'extérieur, une tige avec un bouton, tandis
qu'à la base ils s'ornent de boules rouges qu'on retrouve aussi vers
l'extrémité des
feuilles[26]: on compte ainsi
normalement, entre deux mascarons, d’un côté une boule, un
bouton, deux boules, de l'autre deux boules, un bouton, une boule. Leur
rôle décoratif est assez clair ; d'une part ils occupent
l’espace triangulaire vide entre les cercles et la bordure, et les boules
soutiennent par des diagonales alternées la composition des
médaillons (cf. par exemple les figures 13 à 18) ; d'autre part la
teinte vive – rouge vermillon – de ces boules et de ces boutons, se
détachant sur le fond noir, rehausse et affermit sur les bords la
coloration de cette bordure, dont l’ensemble utilise des tons plus doux.
Si le principe même de cette décoration, avec rinceaux partant de
mascarons et formant des médaillons, est bien connu dans l'art
décoratif romain, et même avant,
[27]il reste remarquable par le
naturel avec lequel les feuilles, quoique stylisées à
l'extrême, se plient au schéma décoratif, et par le
mouvement large qui fait correspondre les courbes végétales avec
la construction
géométrique[28].
Les petits sujets, qui occupent les cercles ainsi
déterminés, sont assez variés, mais dans une certaine
limite seulement. On y reconnaît essentiellement des oiseaux,
échassiers aux longues pattes rouges (fig. 13), cailles peut-être
(fig. 14), des canards (fig. 18), des protomés d'animaux (chèvres,
biches, etc.) présentées sur des sortes de collerettes (fig. 19),
des reptiles, lézards (fig. 15) et
serpents[29] (fig. 16), des tortues,
etc. Le règne végétal est représenté par des
fruits ou des légumes : ainsi des raisins (fig. 17), des
concombres[30] (fig. 7 en haut
à gauche, 9 en haut à droite), des poires, dans des paniers
d'osier tressé[31] (fig. 19).
Enfin, on trouve aussi des têtes humaines, présentées comme
les protomés d'animaux sur une
collerette[32] (fig. 20), avec des
caractères plus réalistes que celles des mascarons. Cette
décoration est, comme on pouvait s'y attendre, disposée sans aucun
rapport avec le contenu des panneaux, c'est-à-dire, par exemple, qu'or
trouve des raisins près du mois de Février tout aussi bien que
près du mois d'Octobre, des poires en toute saison, etc. En fait, il
s'agit uniquement de motifs décoratifs, arrangés selon la
fantaisie de l'artiste, avec simplement un effort de variété qui
évite le voisinage des sujets de même nature ; on notera aussi que
les têtes humaines sont normalement placées dans le
médaillon central, aussi bien verticalement qu'horizontalement, comme par
suite de quelque prééminence accordée à ce
motif[33]. Dans l'ensemble, les
sujets décoratifs sont ceux qu'on s'attend à trouver pour une
décoration de ce type[34] :
un critère important de datation est fourni par l'indépendance
totale des objets et des animaux par rapport au cadre de feuillage, ce qui
conduit à une époque très
avancée.[35]
L'encadrement géométrique
L'ensemble de la composition est fermé par une bande à motif
géométrique de tresses, bien conservée sur les deux longs
côtés et sur le retour Est ; de plus, à l'Est encore, elle
est complétée par une décoration de cercles entrelacés,
qui permet de passer du cadre rectangulaire de la composition au plan irrégulier
de la salle.
La bordure proprement dite comporte (fig. 1, angle de droite), à première
analyse, deux tresses parallèles : en fait les motifs circulent de l'une
à l’autre file, constituant plutôt une série de crochets
successifs et entrelacés, de telle sorte que chacun passe sous le départ
du suivant et sur la bande intérieure du précédent[36].
Les crochets sont successivement à “ dominante ” jaune, rose,
et rouge[37]. Le fond sur lequel
se détache cette, décoration devrait être uniforme : mais,
si la bande centrale est noire, on a isolé, comme constituant un motif
particulier, les cercles déterminés par les d'eux files de tresses
: ils sont réalisés en jaune, et leur centre est piqué
d'un point noir[38].
La zone qui, à l'Est, complète le pavement de la salle est formée
d'une large bande qui se retourne à angle droit. Le décor, sur
fond jaune, est fait de cercles entrelacés, selon le fameux motif que
nous avons déjà trouvé à la bordure d'un panneau[39],
mais les cercles sont dessinés par des bandes plates, qui se retournent
pour former chaque fois des étoiles à quatre branches[40].
La décoration ne s'étend pas sur un espace assez vaste pour que
le motif soit répété plusieurs fois : en fait, on ne voit
qu'une file de cercles, avec deux fois la moitié des files latérales.
Les bandes qui dessinent ces cercles sont à dominante rouge, ou grise,
ou jaune[41]. Le fond est uniformément
clair, avec un point noir au centre et sur chaque branche des croix. Enfin,
la décoration se termine, dans l'angle nord-est, par une bande bicolore
jaune et rouge, dessinant des merlons comme ceux des panneaux 2 et 6, mais sur
une échelle beaucoup plus grande.
Ce dernier motif, dont le rôle de remplissage est évident, est
relativement irrégulier et peu soigné. Il n'empêche que
la composition décorative la bordure, dans son ensemble, se caractérise
par une très grande richesse, mais ordonnée et hiérarchisée,
et par une réelle habileté dans l'emploi des couleurs. Si, quand
on regarde d'un peu loin la mosaïque, la première impression est
d'un foisonnement du décor, qui évoque certains tapis du Proche
et du Moyen Orient, très vite apparaît le rôle des différents
éléments, avec la longue bordure de tresses qui ferme la composition,
les petits cadres géométriques qui enserrent les panneaux, et
la grande bande ornée, qui les unit, sans que ses représentations,
à cause de leur échelle différente, nuisent à l'intérêt
des figures allégoriques, dont au contraire son exubérance décorative
rehausse la simplicité.
Ce sont effectivement ces représentations des mois qui font l'attrait
essentiel de la mosaïque, et déjà les types figurés
en eux-mêmes, leurs vêtements, leurs attributs, présentent
un intérêt certain.
Le mois de Janvier[42] (fig. 21)
est représenté comme un personnage consulaire, jetant des pièces
de monnaie pour inaugurer l'année.
Le personnage, la tête nue[43],
est vêtu d'une toge drapée et de deux robes, que la couleur permet
de distinguer. La robe du dessous, dont on ne voit qu'une mince bande, descend
presque au niveau des chevilles : elle est blanche, et ornée de
deux bandes verticales rouges bordées d'un trait noir. La robe de dessus
est ajustée, avec des manches longues qui présentent au poignet
un large parement[44] ; elle est
cernée d'un trait noir, qu'on retrouve autour du cou du personnage, au-dessus
de la toge, et qui permet précisément de la distinguer plus facilement
de cette toge, dont les plis sont traités dans une couleur très
semblable : car la robe est faite de cubes rouge brique ou rouge violacé
; mais le parement du poignet est jaune, ainsi que les deux bandes verticales
qui apparaissent en dessous ; de la toge[45].
La toge elle-même est drapée par-dessus, avec le “ double
pont” caractéristique, le pan supérieur passant de l'aisselle
droite à l'épaule gauche, puis de la hanche droite au creux du
bras gauche plié[46]. Elle
est traitée dans les tons blanc crème jaune clair, avec un cerne
violacé et des ombres violacées aussi ; mais un trait blanc, doublé
d'un trait rouge brique, souligne les bordures, et permet de suivre plus facilement
mouvements de l'étoffe[47].
Le personnage est chaussé de calcei senatorii de cuir clair –
les pierres sont jaune clair, comme le fond avec l'indication des courroies
qui se croisent sur le cou-de-pied, et de celle qui passe sur la racine des
orteils[48].
Dans la main droite levée, il tient la mappa, de cuir probablement,
étant donné sa couleur jaune clair, avec un cerne brique, d'où
s'écoulent des pièces dorées - on en compte 23 : l'éclat
de l'or est rendu par un cercle vert enfermant un ou deux cubes jaunes[49].
Les pièces tombent sur une sorte de rectangle posé sur une chaise
curule[50], dans le coin gauche
de la représentation : les pieds de la chaise sont jaunes, cernés
de noir, et elle porte un coussin rouge. Le rectangle est de couleur brique,
sauf une zone jaune à gauche, et une bordure jaune aussi : son interprétation
est assez difficile[51].
Le mois de Février[52] (fig.
22) est un paysan, qui porte un couple de canards sauvages.
Il est revêtu d'une tunique courte, qui atteint à peine ses genoux,
de couleur blanc-crême, avec deux bandes verticales, – clavi
–, d'un vert olive foncé[53]
et d'autres de couleur rouge-brique, qui peut-être figurent seulement
des plis, comme pour la toge de Janvier[54].
Par dessus est jeté un manteau, large bande d'étoffe qui passe
sur la tète, s'enroule autour des épaules et des bras, et descend
aussi bas que la tunique : il est exécuté en cubes verts, allant
du vert végétal à l'émeraude clair[55].
Les chaussures semblent faites de lanières entrelacées de cuir
jaune, soulignées de noir[56],
et les jambes sont couvertes, jusqu'à la hauteur du genou, par des sortes
de guêtres, dont on distingue bien l'enroulement en haut, les attaches
en bas, et, sur toute la hauteur de la jambe, la ligne oblique qui marque extrémité
de la bande. La couleur, lie de vin et lie de vin clair, semble indiquer, plutôt
que du cuir, une étoffe grossière[57].
Le paysan tient dans ses mains, jointes sur la poitrine, deux canards tournés
vers la gauche, pour lesquels les indications de couleur sont nettement réalistes
: les têtes sont brique à l'avant, jaune clair à l'arrière,
comme l'ensemble du corps ; et, si le premier a des ailes, dessinées
en lie de vin, brique en haut, jaune au-dessous, le second présente au
cou une bande horizontale blanche et verte, et sur l'aile une large bande vertical
vert foncé, qui en caractérisent parfaitement l'espèce.
Au sol, entre Janvier et Février, on voit un gracieux rosier aux deux
boutons vermillon (avec un dégradé à la base, en rose puis
en blanc) et des feuilles en smaltes vert, dont la plupart ont disparu. Ce motif
doit être rattaché a priori au thème de Février,
thème pastoral, plutôt qu'au thème urbain de Janvier.
Le mois de Mars[58] (fig. 23) est
un guerrier armé, qui représente le dieu de la guerre.
Le personnage porte, sous son armure, une tunique à manches longues,
qui descend bas sur les genoux : elle est exécutée en cubes vermillon[59].
Par-dessus il a passé l'armure, dont la pièce essentielle est
constituée par une cuirasse de thorax, à musculature modelée,
comme l'indique le dessin des pectoraux, et sans épaulières ;
elle est bordée en bas par une série de lambrequins en écailles,
et, par-dessous, de lamelles rectangulaires allongées, qui arrivent presque
jusqu'aux genoux, et qu'on retrouve aux bras, où elles atteignent le
coude : l'ensemble est réalisé en cubes d'un gris moyen, qui figure
le métal[60]. Elle est accompagnée
à la base de trois pans arrondis, probablement en cuir, étant
donné leur couleur jaune paille avec cerne violacé[61]
; une bande de même couleur passe très haut sur la poitrine, et
figure la ceinture qui maintenait jointes les deux moitiés de la cuirasse[62].
La tête est protégée par un casque, avec la visière
levée, et les deux pariétaux écartés : ici
encore, des cubes gris figurent le métal. Le guerrier porte des chaussures
hautes, retroussées vers le milieu du mollet, avec des rayures horizontales
blanches (ou roses) et violacé clair[63].
De la main gauche, il tient une oriflamme dont la hampe se termine par une pointe
de métal grise : le tissu est vert, smaltes souvent, arrachés,
avec, en blanc, une couronne végétale ouverte à droite.
De la main droite levée, l'index pointé, il désigne une
hirondelle, qui apparaît dans l'angle supérieur gauche du tableau
: elle est dessinée en gris clair et gris foncé, avec les ailes
et le corps jaune, et la tête brun rouge, notation d'une exactitude remarquable.
Dans l'angle bas gauche de la composition, un chaudron est posé dans
le champ, avec sa panse rebondie et son anse mobile soulevée. Il est
réalisé en cubes gris foncé, qui représentent un
métal, et l'intérieur est rempli d'un liquide blanc, du lait comme
nous le verrons[64].
Le mois d'Avril[65] (fig. 24) est
un berger, qui tient dans ses bras un agneau.
Il est vêtu d'une tunique qui descend plus bas que les genoux, serrée
à la taille par une ceinture qui détermine un léger repli.
Les manches sont longues, et l'ouverture, sur l'épaule gauche du personnage,
est retenue par un lien[66]. Le
tissu est traité dans des tons gris-perle, la ceinture en vert-olive,
soulignée de violacé. Une broderie passe autour du cou, sur les
épaules, et descend verticalement au milieu de la poitrine ; on la retrouve
aux parements des manches : elle est figurée par deux lignes de cubes
vermillon, encadrant une ligne où vermillon et blanc alternent[67].
Le berger est chaussé de ce qu'on pourrait considérer d'abord
comme des bas ; mais la comparaison avec la figure de Mai, où la
tunique est retroussée plus haut, indique qu'il s'agit plutôt de
bottes molles, convenables pour ces mois de pluie ; elles sont figurées
en cubes noirs et gris foncé[68].
Le personnage, les mains jointes, serre contre sa poitrine un gros agneau, figuré
dans l'ensemble en cubes blancs et jaune soutenu, qui lève la tête
vers la droite.
Le mois de Mai[69] (fig. 25) est
un jeune garçon, à la physionomie souriante, qui présente
des roses.
Sa tunique, comme celle d'Avril, a des manches longues ; mais un repli plus
marqué à la taille, qui cache presque la ceinture, la rend un
peu plus courte, et l'amène au niveau des genoux. Elle s'ouvrait aussi
sur l'épaule gauche, où elle est retenue par un lacet : sa couleur
est très claire, dans les teintes jaune crème et blanc. Une broderie
borde le tour du cou, l'ouverture sur l'épaule gauche, et les poignets
: elle est rouge et lie de vin foncé.
La ceinture est comme celle d'Avril ; comme Avril encore, Mai est chaussé
de bottes molles, qui montent presque jusqu'aux genoux, avec une pointe à
l’avant, et un retroussis nettement visible à leur extrémité
supérieure : elles sont noires, avec dans le milieu quelques cubes gris-bleu
foncé, et le retroussis est vermillon.
Le personnage est couronné de fleurs, dessinées au moyen de cubes
vermillon et blanc-rose, avec un lien en torsade lie de vin. Il soulève
de sa main gauche une corbeille de vannerie[70],
faite de cubes jaune clair, avec les tiges de l'osier en brun-rouge clair et
lie de vin ; la corbeille est remplie de fleurs semblables à celles de
la couronne. Dans la main droite baissée, le Mois tient une autre couronne,
tout à fait identique à celle qu'il porte sur la tête, et
suspendue à trois fils. Enfin, dans le champ, à droite, est posé
un gros bouquet, formé de grosses fleurs roses (quatre à huit
cubes) séparées par des lignes vermillon. La couleur, et, comme
nous le verrons[71], le thème
d'ensemble indiquent nettement que ces fleurs sont des roses.
Le mois de Juin[72] (fig. 26) est
un moissonneur.
Il est vêtu d'une tunique formant un pli important à la ceinture,
qui pourtant est visible ; les jambes sont nues jusqu'au-dessus des genoux,
les bras aussi sont nus. Ce vêtement qui, comme les précédents,
s'ouvrait sur l'épaule gauche[73]
est de couleur gris pâle : une broderie noire marque le tour du cou, tandis
que deux bardes descendent des épaules, et se terminent par des petits
cercles : elles sont faites, comme celles d'Avril, de deux lignes continues
rouges. qui enserrent une ligne de points rouges et blancs ; dans le bas
de la tunique, trois roses sont formées chacune de deux cercles concentriques
rouges, sur fond blanc. Le Mois est chaussé de sandales à lanières,
d'un dessin très simple : une lanière séparant des autres
le gros orteil, une lanière de chaque côté du pied, et un
lien horizontal à la cheville ; les cubes noirs indiquent des bandes
de cuir[74].
Le Mois serre contre son épaule, dans le creux de son bras gauche, une
gerbe d'épis, de blé probablement, figurés par des cubes
jaune paille et jaune vert, avec des indications plus fortes en vermillon. Le
lien est fait de trois lignes superposées, verte, blanche, et vermillon.
Dans la main droite baissée, le moissonneur tient une faucille tournée
vers le bas, avec sa longue laine recourbée ; le manche est jaune, avec
le métal de la lame indiqué par des lignes noires et grises.
Le mois de Juillet[75] (fig. 27)
est représenté par un personnage portant une pelle et un coffret.
Il est vêtu de la tunique à manches longues, qui atteint le milieu
des genoux avec un léger repli au-dessus de la ceinture. Le tissu est
de couleur gris-perle, la ceinture verte, soulignée de lie de vin. L'ouverture
du vêtement, sur l'épaule gauche, ainsi que le tour du cou, sont
ornés d'une bande de broderie, qu'on retrouve au parement de la manche
droite : il s'agit, en haut, de deux lignes vermillon, séparées
par une ligne de points blancs et rouges alternant ; aux poignets, le motif,
plus large, semble comporter des sortes de feuilles réservées
en blanc dans la bande rouge[76].
Le personnage porte les mêmes chaussures que Mars, à liens horizontaux
lie de vin, mais roulées très bas.
Le Mois appuie contre son bras droit un instrument agricole, sorte de pelle
composée d'un long manche, et d'une spatule plus large à son extrémité ;
la couleur jaune paille, soulignée de lie de vin clair, doit indiquer
du bois. De sa main gauche, il soutient au niveau de la poitrine un coffret
rectangulaire, dont une anse est visible: ici encore, les cubes de couleur jaune
paille, avec deux bandes blanches vers le haut, en dessous du cerne lie de vin
clair, doivent figurer des planches. Mais il est difficile de discerner ce que
contenait le coffret : il s'agit de cubes disposés sans ordre, de couleur
blanche, ou jaune paille, ou vert clair. Nous reprendrons plus loin l'interprétation
de ces deux instruments.[77]
Le mois d'Août[78] (fig. 28)
est une allégorie de la chaleur de l'été. Il est vêtu
d'une tunique qui descend à mi-mollet, avec des manches longues, et sans
qu'aucune ceinture la retienne à la taille ; la matière doit en
être très légère, car entre les cubes gris pâle
qui la figurent courent des lignes roses qui dessinent le corps vu en transparence.
Ainsi, le vêtement convient aux fortes chaleurs de l'été,
en même temps que sa forme implique l'idée de désœuvrement
et d'otium, que justifie la canicule[79].
D'autant que l'ornementation en est spécialement riche ; le tour du cou
et l'ouverture, sur l'épaule gauche, sont bordés d'une bande lie
de vin clair ; une ligne lie de vin et deux lignes vermillon soulignent les
poignets ; de chaque épaule, une bande rouge descend sur la poitrine,
avec à l'extrémité un cercle au bout d'une petite tige[80]
; on voit encore une rosace sur chaque manche, au départ du bras, trois
rosaces au bas de la tunique (chacune faite de deux cercles rouges concentriques,
unis par cinq points qui dessinent comme une étoile à cinq branches),
et enfin, tout à fait en bas, une série de traits verticaux, comportant
un pointillé rouge et blanc[81].
Les chaussures, très légères, sont des sandales à
lanières, tout à fait semblables à celles de Juin[82].
Le Mois soulève de la main droite, à hauteur de sa figure, un
fruit arrondi, où l'alternance des cubes de tonalité jaune et
de tonalité grise suggère les côtes d'une pastèque
ou d'un melon, fruits propres à calmer la soif[83].
De la main gauche, il soutient contre son épaule une sorte d'étendard
quadrangulaire, cerné d'une ligne lie de vin, et comportant des rectangles
emboîtés blancs et jaune pâle, avec deux diagonales jaune
paille : il s'agit là d'un flabellum, éventail de paille tressé,
dont le dessin qu'il pouvait tourner autour de sa hampe[84].
Le mois de Septembre[85] (fig. 11)
est figuré par un vendangeur.
Il est vêtu beaucoup plus chaudement que les Mois précédents.
La tunique à manches longues est serrée à la taille, et
atteint le niveau des genoux : elle est faite de cubes gris, tendant vers le
vert. Les poignets et le tour du cou, avec l'ouverture sur l'épaule gauche,
sont ornés d'une broderie comportant deux lignes rouges enserrant une
ligne de points rouges et blancs. Les jambes sont couvertes de bas couleur gris
perle, qui entrent dans des chaussures rayées, semblables à celles
de Mars et de Juillet, mais roulées moins haut que celles-là,
plus haut que celles-ci.
Le personnage soulève, dans sa main gauche, une double grappe de raisins,
dont seule est conservée la moitié droite : les grains sont figurés
par des cubes blancs ou jaune paille, cerclés de vermillon, avec une
feuille vert émeraude. La main droite, qui s'abaisse vers une sorte de
cuve, tenait aussi un objet, dont il est spécialement regrettable qu'il
ait complètement disparu : il s'agit d'une forme allongée dans
le sens vertical, et la présence de quelques cubes verts à la
partie supérieure semble confirmer l'hypothèse d’une autre
grappe, avec ses pampres[86]. La
cuve posée dans l'angle gauche de la composition représente celle
où on foulait le raisin[87]
: elle semble quadrangulaire, avec un large rebord, et les cubes vermillon très
foncé employés pour la dessiner, comme le rosé du rebord,
doivent figurer de la terre cuite ; ici encore, la mauvaise conservation du
pavement empêche de bien juger de ce qu'elle contenait ; mais quelques
cubes conservés, vermillon ou lie de vin, laissent supposer qu'il s'agissait
des grappes de raisin. De l'autre côté du personnage, un panier
posé sur le sol appartient à la même représentation
; les lignes lie de vin et rose dessinent les tiges d'osier tressé au
travers desquelles on voit les grappes : mais cette partie est fort endommagée,
et, de même que l'ensemble de la figuration d'Octobre, a fortement bruni,
comme sous l'effet d'une violente chaleur.
Le mois d'Octobre[88] (fig. 29)
est un paysan goûtant le vin nouveau.
Il est vêtu à peu près comme Septembre, mais avec la tunique
retroussée plus haut ; encore que, dans toute cette zone, les teintes
soient très assombries, et parfois difficiles à bien discerner,
il semble que le tissu en ait été orangé-rouge, avec, aux
manches, un parement vert émeraude. La ceinture est verte, comme toujours,
les bas blancs ; les chaussures, retroussées inégalement au-dessus
de la cheville, semblent des bottes molles, comme celles d'Avril et de Mai ;
mais leur couleur, qui dans l'état actuel passe du jaune à l'orangé
et au brun, suggère qu'elles étaient faites d'un cuir clair.
Le personnage tend de la main droite une large coupe à pied haut, pleine
de vin que figurent des cubes vermillon ; dans la main gauche, il soulève
une bouteille, simplement étranglée au goulot[89],
plus qu'à moitié pleine de vin : elle est faite de cubes blancs,
cernée d'une ligne rouge foncée ; comme le vin est vu, par
transparence, il s'agit évidemment d'une bouteille de verre, mais il
n'est pas certain que la même conclusion vaille pour la coupe, pourtant
rendue d'une manière toute semblable.
Le mois de Novembre[90] (fig. 30)
est un paysan qui porte des instruments de son travail d'automne.
Il est vêtu de la tunique à manches longues, retroussée
au-dessus du genou, comme chez tous les travailleurs : la ceinture est cachée
sous le repli. L'étoffe est dans les tons jaunes, avec une décoration
très réduite, simple bande violacée aux parements des poignets,
autour du cou, et le long de l'ouverture de l'épaule gauche. Il porte
des bas noirs, roulés au niveau des genoux[91],
et des chaussures du même type et de la même couleur que celles
de Septembre, mais qui montent à peine au-dessus de la cheville.
Le paysan tient de la main droite une charrue, avec deux tiges longues reliées
par une entretoise : le bois en est figuré par des cubes brun-rouge[92] ;
le soc semble fait de métal seulement à la pointe, dessinée
en cubes noirs et gris sombre ; une bande jaune pâle verticale en sépare
l'arrière, probablement en bois, car il est représenté
de la même couleur que le manche. De la main gauche ramenée à
la ceinture, le paysan serre contre son épaule une hache au long manche,
du type de la “ dolabra ”[93],
avec une lame double, d'un côté en pointe légèrement
recourbée, de l'autre
en large tranchant parallèle au manche. Ici encore le métal est
figuré en cubes gris plus ou moins foncés ; le manche est jaune
rosé, cerné de fie de vin.
Le mois de Décembre, enfin[94]
(fig. 31), paraît symboliser l'année finissante.
C'est un vieillard aux cheveux blancs, semble-t-il (mais le morceau est très
abîmé) qui porte une tunique grise à manches longues, descendant
assez nettement au-dessous des genoux ; les poignets sont bordés de deux
rangées de cubes vermillon, le bas de la robe de trois, et cette décoration
rend plus évidente une particularité du bas du vêtement,
à savoir qu'il est fendu de chaque côté sur quelque hauteur,
probablement pour faciliter la marche, formant ainsi des pointes qui apparaissent
bien du côté gauche de la représentation[95].
Par-dessus, le voyageur a jeté une capeline rouge qui couvre ses épaules
et ses bras jusqu'aux coudes, avec dans le bas une sorte de frange, faite de
pierres très allongées, de couleur lie de vin : elle est serrée
autour du cou par un ruban, qui retombe sur la poitrine[96].
Les jambes sont protégées par des sortes de guêtres, de
couleur blanchâtre, mais probablement du même type que celles de
Février, serrées à la cheville par un double lien. Les
pieds portent des chaussures montantes noires[97],
avec un petit rabat, figuré par une ligne vermillon à la cheville.
Le personnage s'appuie de la main gauche sur un bâton de voyageur[98] ;
auquel sont suspendus deux glands, figurés en cubes blancs et jaunes
cernés de violacé ; de la main droite il tient un sac fait de
pierres roses ou vermillon, où des lignes blanches horizontales et verticales
dessinent une sorte de filet ; la base en était marquée par une
frange.
Tels se présentent ces personnages, dont les vêtements et les attributs
Constituent un document de plus pour les premiers temps de l'époque “
byzantine ” en Grèce. Ce sont des détails, encore, qui permettent
de dater le pavement ; la plupart des comparaisons que nous avons pu faire conduisent
à une période postérieure au IVe siècle, et Mr Stern
a fait remarquer, pour la figure de Janvier, l'importance de la toge à
pont, qui ne permet guère de remonter plus haut que la fin du Ve siècle[99].
A défaut d'autres indices chronologiques[100],
les caractéristiques esthétiques de ces représentations
donnent des indications très précieuses. Rendu de l'espace, dessin
des draperies, utilisation des couleurs, autant de domaines où l'artiste
d'Argos a fait preuve d'une personnalité évidente, mais parfaitement
accordée aux canons esthétiques et visuels de son époque.
Ainsi, les visages sont particulièrement intéressants. Malgré
leur uniformité toute extérieure, il y a loin de la finesse urbaine
de Janvier à la rudesse des mois paysans, à la grâce juvénile
de Mai, à la fatigue de Décembre. Les couleurs, non moins que
les lignes, concourent à cette impression. Le visage de Janvier (fig.
32) est traité dans des tons délicats, avec un trait de contour
lie de vin très fin, limitant une surface de cubes blancs et rose pâle
; le menton et les joues sont dessinés par une. ligne vert olive très
pâle doublée d'une ligne jaune paille ; les pommettes sont marquées
par trois points vermillon entourés de rose ; le front est fait d'une
ligne jaune paille surmontant une ligne rose, les sourcils noirs sont très
fins, les paupières supérieures dessinées par une ligne
rose foncée et une ligne rose clair, les cils par une ligne noire ; pour
l'oeil lui-même, ou a indiqué une pupille, point noir au milieu
d'un iris de trois points lie de vin[101],
avec une cornée blanche, soulignée d'une paupière inférieure
d'un vert olive très pâle ; le nez est fait de traits verticaux,
rose clair, blanc, violacé, et rose foncé, et les narines indiquées
par deux points noirs dans la ligne lie de vin qui marque la base du nez ; le
cou est représenté par deux bandes jaune paille surmontant une
bande vert olive. La tête de Février est beaucoup plus haute en
couleurs, avec les chairs rose clair et rose foncé, le menton grassement
tracé de deux lignes d'un vermillon foncé tournant au brun rouge,
l'arcade sourcilière largement indiquée en lie de vin, en dessous
de la ligne noire des sourcils; la paupière inférieure aussi est
marquée avec force, comme les ailes du nez, – ligne vermillon pour
l'aile gauche, une double ligne lie de vin pour l'aile droite ; et les pommettes
rouges sont beaucoup plus importantes que pour Janvier. La tête de Mars
est traitée dans des tons roses et violacés, avec très
peu de cubes blancs, et pas de vermillon sauf polir les lèvres ; les
yeux sont très dessinés, avec un iris violacé cerné
d'un mince filet noir[102]. La
figure d'Avril est très claire, avec une ligne blanche au-dessus des
sourcils, et, des passages du rose au blanc pour les joues, où quelques
touches de vermillon figurent les pommettes. Mai surtout est caractéristique,
et d'abord par sa chevelure : alors que partout ailleurs elle est faite de mèches
d'un rouge violacé foncé, cernées de noir, ici les cubes
d'un brun rouge extrêmement clair suggèrent une chevelure blonde
; la figure, pâle, n'est pas entièrement entourée du cerne
lie de vin habituel, – à peine deux indications à la ligne
extérieure des joues, avec le tracé du menton en vermillon et
une seule touche de vermillon, sur la joue gauche ; l'oeil est indiqué
d'une manière assez particulière : on reconnaît le point
noir de la pupille, dans un cercle rose cerné de noir qu'il faut interpréter
comme l'iris, plutôt que comme la cornée, à la fois par
référence avec l’œil de Mars, par exemple et à
cause de la position des paupières supérieures ; mais la paupière
inférieure est dessinée simplement par une ligne très pâle,
qui se confond presque avec la joue, si bien que les yeux paraissent petits,
alors qu'en fait ils sont plus gros qu'ailleurs. L'ensemble, avec les lèvres
aux extrémités légèrement soulevées, donne
une impression avenante et agréable, qui symbolise bien la venue du printemps.
Le mois de Juin a la figure brûlée par le soleil, dans des tonalités
rouges, avec un cerne lie de vin[103]
doublé, aux joues et au menton, d'une ligne vermillon ; il y a très
peu de cubes blancs, et une touche jaune paille sur la lèvre supérieure
; le globe oculaire est cerné de noir, avec la pupille faite d'un point
noir, l'iris rose non cerné et la cornée blanche. On retrouve
des caractères assez colorés pour la tête de Juillet, autre
paysan, avec sur les chairs roses aux reflets blancs quelques touches de jaune
(sous les paupières inférieures, aux plis latéraux de la
base du nez), et des notations vigoureuses en vermillon (deux points au menton,
souligné d'une ligne bistre, et deux points aux pommettes)[104].
Le visage d'Août est des plus caractéristiques, et hautement expressif
: cette tête de citadin épuisé par la chaleur est remarquable
par l'abondance des surfaces blanches et l'utilisation très importante
du jaune ; par contre, le rose pâle est seulement utilisé pour
l'aile droite du nez et une ligne dans les joues ; et il n'y a pas de vermillon,
ni aux pommettes, ni sur le menton ; le front est tout blanc, comme les
pommettes et la ligne médiane du nez, tandis qu'une ligne jaune souligne
les yeux, cerne tout le bas du visage, dessine l'aile gauche du nez, et joint
les narines au menton ; l'oeil est très grand, comme étonné,
avec des sourcils épais (une ligne noire entre deux lignes lie de vin),
le globe oculaire, volumineux, est cerné de lie de vin. Au contraire,
le visage de Septembre, probablement à cause du thème de la vigne,
est traité dans des dominantes roses, avec très peu de jaune (une
ligne seulement qui souligne le menton) ; une ligne blanche passe sous chaque
orbite, une autre sépare le nez des lèvres, avec deux points vermillons
sur chaque joue, et un autre qui creuse au menton une fossette. Le visage d'Octobre
semble avoir été exécuté dans des teintes rougeâtres,
mais les cubes vermillons ont tourné au brun-foncé; on les reconnaît
pourtant, en plus des endroits où on les attend habituellement, dans
une ligne qui souligne les paupières inférieures. Le visage de
Novembre, par contraste, paraît plus clair, plus hivernal, avec des roses
dégradés jusqu'au blanc ; deux touches vermillon marquent chaque
joue et le menton, et une touche lie de vin figure une fossette sous la lèvre
inférieure. Enfin, la tête de Décembre est spécialement
pâle ; le front, l'arête du nez, les pommettes, la ligne entre le
nez et les lèvres sont blancs ; un trait jaune souligne l'orbite et dessine
l'aile du nez, un autre borde les joues et le menton, que cerne l'habituelle
ligne lie de vin ; mais les roses sont très rares, et le vermillon n'est
employé que pour l'aile droite du nez. Il y a donc, dans toutes ces notations
colorées, une volonté évidente de variété,
mais surtout, de faire correspondre la tonalité générale
des visages avec l'état des personnages représentés, et
avec la période de l'année qu'ils symbolisent. C'est là
ce qui fait leur singularité, alors que leurs caractères d'ensemble
permettent de les rattacher aux très nombreuses figurations de ce début
de l'époque byzantine, plus spécialement de la fin du Ve et du
VIe siècle ; ces fronts bas, ces yeux grands ouverts, fortement cernés,
figés dans une sorte de contemplation immobile, ces nez effilés,
ces mentons réduits, ces coiffures en boucles qui tombent bas sur le
front et encadrent de chaque côté le visage, cachant presque les
oreilles. nous les connaissons, exactement à cette époque, à
Antioche[105], à Ravenne[106]
; et quelques-uns de ces traits servent alors, et continueront à servir,
à exprimer une spiritualité religieuse. La frontalité aussi
de cees visages est caractéristique : seul Mars se détourne légèrement
vers la gauche, comme on le voit surtout à l'importance de la joue droite,
et la position de la bouche, plutôt qu'au dessin du nez ou des yeux ;
Octobre regarde nettement à droite, et le nez de Juin aussi est orienté
dans cette direction ; Avril semble regarder légèrement à
gauche ; mais toujours les têtes sont vues de face, et le plus souvent
elles regardent droit le spectateur[107].
Enfin, il n'y a jamais volonté de chercher la “ corporéité
”, de faire tourner les volumes, en tout cas par le moyen des ombres.
La lumière arrive de face, sur les visages et sur les membres, et les
éclaire à peu près également[108];
sur la masse rosée des chairs, quelques lignes blanches marquent, plutôt
que leur saillie, les lignes de force des muscles, par exemple pour les jambes
et les bras du mois de Juin ; mais il n'y a pas de véritables “
dégradés ”, du rose-clair au rosé-foncé par
exemple, destinés à suggérer le relief. En noterait-on
même, çà ou là, quelques traces, leur rôle
est réduit à néant par le jeu des cernes, qui d'abord délimitent
vigoureusement les surfaces[109],
mais aussi donnent à leur manière une traduction des volumes,
par les inflexions de leur tracé[110].
Un autre procédé, de remplacement si l'on peut dire, est utilisé
pour les visages, où la saillie du nez, l'enfoncement du menton, ne sont
pas indiqués par des zones plus ou moins sombres, mais par des traits
juxtaposés, de couleurs différentes, souvent de même valeur
lumineuse, mais dont la chaleur plus ou moins grande suggère le plus
ou moins grand éloignement[111].
On en dirait autant pour le rendu des vêtements. Mais il paraît
qu'il faille ici mettre à part la figure de Janvier, à laquelle,
semble-t-il, l'artiste essayé de donner une apparence de volume –
souvenir d'une œuvre de sculpture ou de glyptique[112].
Si, dans la manche rouge, les plis, sans corporéité, sont simplement
figurés par des lignes noires, pour la toge elle-même il semble
qu'une lumière arrivant du haut fasse saillir les ondulations de l'étoffe,
en soulignant l'avancée du genou droit, et laisse en arrière une
large zone du pan que retient le bras gauche : les ombres sont figurées
en cubes brique, renforcées parfois de traits violacés, et doublées
de lignes d'un jaune plus soutenu. Mais pour Février le manteau est tout
entier sur le même plan, avec ses traits juxtaposés vert émeraude
clair et vert olive, où les plis sont schématisés par les
mêmes lignes vert foncé qui cernent toute la surface ; à
peine, sous les coudes, des triangles de cette des ombres ; mais la tunique
est uniformément éclairée, et le rendu du volume à
tel point négligé qu'on peut se demander si la bande centrale
verticale rouge brique représente un creux de la surface, ou simplement
un clavus, comme les deux bandes vertes qui l'encadrent[113]
; de même, les deux triangles qui forment chaque jambière sont
sur toute leur surface de valeur uniforme, et c'est le contraste de ces deux
teintes plates qui rend la superposition des étoffes. La cuirasse de
Mars est faite pratiquement d'une teinte plate gris moyen, avec les reliefs
indiqués par un trait gris foncé, parfois doublé intérieurement
d'un trait vert olivâtre. Car c'est souvent à ces juxtapositions
de lignes de couleur différente, mais de valeur pratiquement semblable,
que l'artiste a donné le rôle de suggérer la profondeur.
Mais surtout il s'est préoccupé du graphisme des lignes, qui animent
une surface toute sur le même plan : c'est ainsi que la robe d'Avril,
gris perle, présente des plis schématisés par des lignes
gris moyen doublées de vert olive ; la surface jaune très pâle
de la tunique de Mai est animée de traits gris perle tournant parfois
au gris verdâtre, et quelquefois doublés de jaune plus intense
; il en est de même pour la tunique de Juin, avec le jeu de ses plis gris
moyen sur la surface gris clair, simplement diversifiée par quelques
passages vers le blanc ou le gris verdâtre. Pour Juillet, plus que pour
les figures précédentes, il semblerait que quelques indications
d'ombre soient données, par la bande plus foncée au-dessus de
la ceinture, et aussi au départ du bras droit : mais la dureté
du trait de contour, d'un gris presque noir, rejette ces modulations sur un
même plan. Le problème, pour le mois d'Août, était
difficile : l'artiste voulait rendre la transparence de la longue robe d'été
: il a dessiné le contour des membres et du torse en lignes roses, sur
lesquelles de longues verticales grises figurent les plis de la robe ; l'ensemble
reste sans relief, sauf peut-être une légère indication
plus intense à la limite droite du vêtement ; mais, curieusement,
l'artiste a marqué d'un trait noir, particulièrement visible à
gauche, l'ombre des aisselles, leur donnant ainsi une importance graphique qui
équilibre un peu la dureté des bandes rouges de l'épaule.
La robe de Septembre est traitée à peu près comme celle
de Juillet ; pour Octobre, la tonalité est toute différente, simplement
diversifiée par le jeu linéaire des plis, dessinés en noir
sur le fond rougeâtre. La tunique de Novembre est réalisée
tout entière en cubes allant du jaune paille presque blanc au jaune de
Naples, sans que ces notations diverses correspondent à un quelconque
changement de plan : le jeu des plis est indiqué en brun orangé
; et le costume de Décembre donnerait lieu à des observations
du même ordre. Ce mépris de l'expression du volume dans le rendu
de la draperie nous ramène à la même période artistique
que les caractères des visages[114]
; ou plutôt cette traduction du volume par des moyens autres qu'une lumière,
qui éclairerait plus vivement les zones situées en avant, et qui
laisserait dans l'ombre les zones situées en arrière. La lumière,
ici, comme surnaturelle, semble étalée uniformément sur
toute la surface : s'il n'y a pas d'ombre sur les objets, il n'y a pas non plus
d'ombre portée sur le sol.
Ainsi, les personnages restent dans un plan, et l'artiste a négligé
– ou ignoré – les conceptions de la perspective “ traditionnelle
”, déjà parfaitement appliquée à Pompéi
et ailleurs, qui s'efforce de donner une traduction de la profondeur. Les personnages
d'Argos sont présentés de face, et, normalement, comme étalés
en surface : dans le plus grand nombre des cas, les deux bras restent au niveau
du corps ; si parfois l'un, porté en avant, devait être figuré
dans un raccourci brutal, – Janvier, Juillet, – l'avant-bras est
complètement supprimé au profit de la main, qui ainsi ne semble
pas faire saillie hors de la surface; dans d'autres cas, comme pour le bras
gauche de Décembre, et probablement les deux bras d'Octobre, le mouvement
en avant est traduit par un mouvement latéral, qui garde les bras dans
le plan du corps : ainsi, le bras de Mai qui tend le panier de roses, celui
d'Août qui présente le melon, celui de Septembre qui présente
la grappe, sont ramenés au niveau des têtes, par un effort d'expression
à plat du geste en profondeur. La position des jambes correspond à
la même volonté : sauf pour Juin, où elle est renversée
– serait-ce parce que ce mois termine la première moitié
de l'année ? – elle comporte une avancée légère
des pieds droits, le poids du corps reposant sur la jambe gauche tendue, tandis
que la jambe droite est légèrement fléchie[115]
: si le raccourci du pied droit est représenté avec vigueur, le
pied gauche est figuré pratiquement de côté, alors qu'en
fait ces deux positions impliquent, pour le torse de face, une torsion au niveau
des reins aussi peu naturelle que possible : mais aussi le mouvement est plus
facile à rendre, et surtout plus lisible, plus expressif, qu'une représentation
absolument réaliste. On retrouve les mêmes caractères pour
la plupart des détails figurés sur cette mosaïque : l'objet
placé sur la chaise curule, près de Janvier, est comme redressé,
soulevé, pour retrouver une importance plastique que la perspective lui
aurait fait perdre[116] ; le rosier
de Février développe ses courbes uniquement dans deux dimensions
; la représentation du chaudron de Mars est sans faute selon la perspective
classique, encore que l'anse relevée corresponde probablement à
un souci de clarté plutôt qu'à une position réelle
; mais la main gauche du guerrier ne serre pas normalement la hampe du drapeau
: l'écartement dans le plan horizontal du pouce et de l'index est figuré
par un écartement vertical, si bien que la hampe semble passer en arrière
; il en est de même pour la main droite de Juin, la main gauche de Novembre,
mais surtout pour la main droite de Juillet, tellement décalée
par rapport au manche de la pelle qu'on se demanderait, – à tort
–, si elle ne tient pas quelque objet entre son pouce et son index. C'est
le même désir de représenter tout ce qui est, même
ce qui en fait ne devrait pas être visible, qui, à la main gauche
de Mai, a fait montrer quatre doigts normalement cachés derrière
le panier de fleurs. Le bouquet posé à terre, entre Mai et Juin,
est vu en raccourci absolu, mais aussi par en dessus, ce qui lui donne cette
curieuse apparence renversée, avec les tiges au-dessus des fleurs. Si
le coffret de Juillet, la coupe d'Octobre, correspondent assez à la vision
conventionnelle des choses, la charrue de Novembre, qui devrait passer devant
le corps, en est tenue écartée, afin que son dessin en soit plus
clairement lisible.
Ce qui fait l'unité de ces déformations diverses, c'est la volonté
de distendre les objets, comme les gestes, pour les adapter au mieux à
cette surface à deux dimensions que constitue la mosaïque. C'est
pourquoi les personnages ne baignent pas vraiment dans une atmosphère
réelle ; ils reposent contre un fond, qui simplement les situe. Il n'y
a pas de paysage , le rosier de Février ne constitue qu'un accessoire
à valeur allégorique, au même titre que le chaudron de lait
ou le panier de raisins. L'indication du fond même est curieuse : au niveau
des pieds des personnages court une ligne sinueuse, très foncée,
de couleur brun rouge ou vert olivâtre ; la zone en dessous est presque
blanche ; la zone au-dessus, qui constitue le fond proprement dit sur lequel
se détachent les figures, est d'une teinte à peu près uniforme,
toujours très claire : en fait, elle est divisée elle-même
en deux zones, selon une ligne qui n'est pas soulignée, mais dont l'existence
apparaît nettement : pour Janvier et Février, par exemple, la zone
supérieure est rose, la zone inférieure jaune paille, la ligne
de séparation passant au niveau des genoux ; il en est de même
pour les panneaux 3 et 5 ; ailleurs, la différence entre les deux zones
est marquée simplement par une différence de travail : ainsi,
pour Juillet et Août, toute la surface comprise depuis le haut du panneau
jusqu'à une ligne passant au niveau des mollets, est faite de cubes jaune
paille rangés en bandes horizontales ; en dessous, jusqu'au trait vert
foncé, par des files de cubes de même couleur, mais obliques et
ondulées ; il en est de même pour les panneaux 4 et 6. L'alternance
de ces deux types de fonds correspond à un souci purement décoratif ;
quant à leurs divisions, on petit en retrouver l'origine dans l'évolution
de la mosaïque romaine, qui conduit des paysages à perspectives
aux surfaces uniformément dorées de l'art byzantin[117].
La ligne de séparation entre les deux zones supérieures correspond
assez nettement à la ligne d'horizon, que les Byzantins ont abaissé,
au maximum la surface sur laquelle se détache l'ensemble du corps est
donc le ciel – jaune, ou rose, selon les tableaux ; la surface toujours
jaune qui court entre les pieds et le niveau des mollets est le paysage[118]
; plus curieuse est la ligne sinueuse sur laquelle les pieds semblent posés
: il semble qu'on en trouve une origine possible dans certaines représentations[119],
où l'ombre portée des personnages sur le sol dessine comme un
arc gonflé entre leurs pieds ; de fait, même de très grands
artistes mosaïstes ont senti le besoin de faire reposer leurs figures sur
une base solide[120]. Car c'est
là la fonction de cette ligne, et son explication : elle représente
la ligne de contact avec le sol des personnages et des objets ; et c'est
aussi ce qui explique ses sinuosités : elle descend pour le pied avancé,
elle monte pour le pied en arrière ; elle monte aussi pour rejoindre,
autant que possible, la base des objets situés à l'arrière-plan
de la représentation, chaise curule de Janvier, chaudron de Mars ou bouquet
de Mai. Ici encore, l'éloignement plus ou moins grand est traduit graphiquement
par les inflexions d'une ligne, dans un plan.
Par là, ces représentations d'Argos constituent vraiment un décor
de mosaïque, un décor sur lequel on puisse marcher : toute recherche
de relief serait en cet endroit un contresens[121].
Mais, plus qu'à une nécessité locale, ces caractères
correspondent à une tendance générale qui a conduit de
la mosaïque romaine à la mosaïque byzantine. La profondeur
est supprimée, comme elle le sera dans des compositions verticales, où
elle n'aurait pas constitué une gêne[122]
; les personnages se présentent, tous avec la même taille, tous
avec la même attitude, comme dans ces processions de la même époque,
où l'on a reconnu, dans l'identité des silhouettes et des mouvements[123],
un moyen pour “ exprimer à la fois le caractère irrationnel
du sujet et l'égalité devant le Souverain céleste de tous
les élus ” ; les traits des visages, surtout les yeux immenses
et fixes, correspondent à ceux des figures de saints, où ils expriment
la spiritualité d'ascètes visionnaires, alors qu'ici le thème
profane interdit de telles interprétations ; mais ces tendances durent
être utilisées par l'imagerie religieuse, plutôt que créées
à l'intérieur de cette imagerie. On en trouverait une indication
dans cette mosaïque des Mois d'Argos, œuvre provinciale, mais plus
représentative des recherches “byzantines” que telle ou telle
grande œuvre exécutée à Byzance même[124].
Mais l'intérêt essentiel de cette mosaïque réside probablement
dans le thème iconographique lui-même, dans cette illustration
des Mois, au sujet de laquelle nous ne présenterons ici que quelques
remarques[125].
La figuration de Janvier comme un personnage consulaire faisant une distribution
d'argent pour inaugurer l'année, est à la fois assez rare dans
l'iconographie des Mois, et attendue à cette place. On l'a rapprochée[126]
d'une image d'une chapelle de Gerasa[127],
où Janvier ne se distingue de celui d.'Argos que parce qu'il est assis,
et tient de la main gauche le sceptre ; et aussi de l'image du Vat.
gr. 1291, où on a reconnu justement un consul, levant la mappa[128].
L'image de la sparsio n'est pas inconnue : elle se retrouve sous deux
formes, dans le Calendrier de 354[129],
mais avec des rôles tout à fait différents : à gauche
de la figuration de Rome, la sparsio est effectuée par un petit
amour qui répand à terre des pièces de monnaies, symbole
des richesses que la Ville distribue avec largesse ; d'autre part, Constance
II lance de la main droite des pièces de monnaies. Il s'agit en effet
d'une image qui, avant de passer dans l'iconographie des Mois, avait joui de
fortunes diverses : on en a, pour le VIe siècle, d'excellents exemples
sur des diptyques corsulaires[130],
et il est possible qu'elle soit devenue assez habituelle dans l'Orient grec,
après le milieu du ive siècle, date à laquelle elle semble
s'installer aussi dans les figurations des monnaies[131].
Dès lors, il était fatal qu'elle passe à l'iconographie
des Mois, où elle était attendue : car l'idée des largesses
du nouveau consul pouvait s'associer facilement avec une image de prospérité
matérielle et de bonheur, bien à sa place au début de l'année
: c'était, pour la suite des Mois, comme une promesse de richesses. En
ce sens, l'illustration était préférable à celle
qu'on trouve, par exemple dans le Calendrier de 354[132],
d'un magistrat faisant simplement un sacrifice aux Lares, et il est probable
que d'autres exemples viendront un jour s'ajouter aux trois que nous connaissons
déjà.
Pour le mois de Février, notre représentation d'un homme encapuchonné
tenant des canards se rattache assez étroitement à toute une série
d'images saisonnières décrivant le froid et l'humidité
de la fin de l'hiver. En fait, ce thème du temps inclément est
comme scindé entre l'image de Février et celle de Décembre,
séparées par l'image urbaine de Janvier[133].
Mais, pour Février, on insiste à la fois sur le froid,, l'humidité
et la chasse : c'est ainsi que le calendrier de 354[134]
présente à cet endroit une femme vêtue chaudement, la tête
couverte d'une draperie, et portant dans ses bras un canard. L'idée du
froid, symbolisée par le voile sur la tête, se retrouve dans le
manuscrit Val. gr. 1291[135],
sur la mosaïque de Tégée, à laquelle nous aurons souvent
à faire allusion[136],
et sur celle de Carthage[137],
sur ce dernier pavement, l'idée de la chasse est symbolisée par
les canards[138]. Que ces représentations
d'un Mois se rattachent directement à celles de la Saison d'Hiver, c'est
ce que montrent, parmi de nombreux documents[139],
des mosaïques du Proche-Orient, par exemple un payement de Beït-Jebrin
en Syrie[140], du Ve siècle
probablement, dont la ressemblance avec l'image d'Argos est si précise
qu'on y trouve aussi un homme encapuchonné tenant deux canards dans les
plis de son manteau[141]. H. Stern,
en soulignant les racines anciennes de ces représentations[142],
qui remontent au moins à la période hellénistique, a montré
que leur passage du thème des Saisons au thème des Mois a dû
se faire, en Occident comme en Orient, dès le IVe siècle de notre
ère. A Argos, l'image du jeune rosier, qui semble isolée dans
nos séries, symbolise le premier éveil de la nature, et annonce
l'épanouissement de Mai[143].
La représentation du Mois de Mars comme le dieu de la guerre est particulièrement
caractéristique. C'est, en effet, un des critères qui permettent
de distinguer, dans les calendriers figurés, un cycle oriental d'un cycle
latin[144]. Car, on l'a bien montré,
alors qu'il est absent en Occident, les mosaïques de Grèce et d'Orient
le dessinent à peu près comme à Argos, – ainsi à
Tégée, où il est casqué et cuirassé, et porte
la lance et le bouclier[145].
Dès lors, la figure d'Argos s'intègre à la place attendue.
Mais elle présente cette particularité aussi, de combiner au thème
du dieu guerrier un autre thème, celui-là purement saisonnier,
et qui, lui, caractérise le cycle occidental : un thème de l'arrivée
du printemps, symbolisée par deux images, l'hirondelle et le vase plein
de lait. Souvent, en effet, les figurations occidentales de Mars comportent
une chèvre et un récipient à lait, ou encore des paniers
de fromage : car c'est la saison où naissent les chevreaux, et où
le lait est le meilleur, et en abondance ; telle est la représentation,
par exemple, de la mosaïque de Carthage, la plus caractéristique
peut-être dans ce genre[146].
Mais un autre événement symbolise l'arrivée du Printemps
: c'est la venue des premières hirondelles, et les poètes grecs
et latins n'ont pas manqué d'en chanter la signification[147].
L'art décoratif, lui aussi, a, utilisé ce thème, encore
qu'avec quelque parcimonie[148].
Or, la mosaïque d'Argos présente l'hirondelle et le vase de lait
cette rencontre est connue par ailleurs, dans un certain nombre de figurations
du cycle occidental, où l'on trouve à la fois le lait et le personnage
qui montre l'hirondelle ; mais ce personnage est le berger qui normalement symbolise
le Mois ; ainsi le pavement d'Ostie, au IVe siècle[149],
présente un berger qui d'une main tient un seau de lait, de l'autre désigne
l'oiseau ; sur le pavement de Carthage dont il a été question
ci-dessus, le personnage semble montrer du doigt une figure disparue, qui pourrait
être aussi un oiseau ; enfin, le Calendrier de 354 figure, pour le mois
de Mars[150], un berger qui montre
une hirondelle, en traînant de l'autre main un bouc, dont l'image se rattache
au même cycle que celle du vase de lait. Mais la grande nouveauté
de la mosaïque d'Argos, c'est d'unir ces deux thèmes à celui
du dieu de la guerre : on ne trouve guère à comparer, pour le
moment, que certaines intailles qui montrent Mars, avec à ses pieds un
bélier, désignant un oiseau[151]
; mais peut-être aussi d'autres images dérivent-elles d'une représentation
du même genre, mal interprétée[152].
La figure d'Avril, berger portant un agneau, est encore de celles qui permettent
de classer la mosaïque d'Argos dans le “cycle oriental ”. Car,
dans le cycle latin, on trouve à cette place une fête religieuse,
danse rituelle en l'honneur de Vénus[153]
; dans le cycle oriental au contraire, l'image normale est celle d'un berger
tenant un agneau, ou plus souvent un chevreau : et c'est bien la représentation
qu'on trouve au pavement d'Antioche[154],
malgré l'hésitation des éditeurs[155].
Il ne fait pas de doute qu'il s'agit là d'un thème saisonnier,
lié aux nombreuses naissances dans les bergeries, en ce début
du printemps ; D. Levi en a étudié les figurations à Pompéi,
pour le symbolisme du Printemps[156],
et H. Stern, qui a groupé des exemples plus anciens[157],
a montré que l'utilisation de ce thème pour l'iconographie des
Mois devait remonter au lie siècle de notre ère, pour le moins.
Mais, chez les Latins, il symbolise Mars, que les cycles grecs figurent par
un guerrier. A Argos, l'image est en quelque sorte dédoublée,
l'essentiel restant à Avril, comme il se doit pour une représentation
qui se rattache directement au cycle oriental, mais le vase de lait étant
utilisé pour Mars. Quant à la substitution de l'agneau au chevreau,
qu'on trouve plus généralement, aussi bien sur les représentations
des Saisons que sur celles des Mois[158],
elle annonce les images des cycles byzantins, où le berger porte l'agneau
pascal, avec toute sa signification symbolique[159]
: mais il n'est pas possible de chercher à Argos la moindre trace de
ce symbolisme, dans une décoration qui manifestement appartient à
un ensemble purement profane.
Le mois de Mai est figuré par un jeune garçon qui offre des fleurs,
et c'est là une image où doivent se mêler, - on l'a bien
montré pour le Calendrier de 354[160],
– des éléments typiquement saisonniers (idée de la
première floraison au Printemps), et des allusions à des fêtes
et à des coutumes populaires, dont certaines ont subsisté jusque
dans la Grèce contemporaine. La liaison avec le thème saisonnier
est bien établie par les figurations où le Printemps est représenté
comme une femme tenant des roses[161].
Dans l'iconographie des Mois, l'image est utilisée pour Mai, et avec
des caractères qui souvent rappellent de très près ceux
d'Argos ; ainsi, le personnage y est d'allure toute féminine, par exemple
sur la mosaïque des Mois de l'Antiquario de Rome[162],
et, plus encore, sur la mosaïque 10 de la série de H. Stern[163],
qui date du Ve siècle ; si bien que l'image du Calendrier de 354 a pu
être interprétée comme une femme[164],
à tort probablement[165].
Le geste aussi de la main gauche, soulevant et présentant une corbeille
de fleurs, se retrouve dans la plupart de ces exemples[166].
Si d'autre part, on ne peut discerner dans la figure d'Argos cette richesse
particulière du vêtement et de la parure que montrent d'autres
documents[167], il ne fait guère
de doute qu'elle se rattache tout de même à ces fêtes des
fleurs et du Printemps, les Rosalia auxquelles fait allusion la couronne de
notre personnage, – couronne qu'on retrouve dans la mosaïque 10 de
Stern, citée plus haut, à Catane[168],
etc. ; la scène même du couronnement serait figurée dans
la série des Mois du portail de Saint-Marc à Venise[169].
Quant à la couronne de fleurs que le Mois tient de la main gauche, à
Argos, elle évoque directement celles que, le premier Mai, on suspend
en Grèce, encore de nos jours, à la porte des maisons. Ainsi,
notre figuration ne symboliserait pas seulement l'épanouissement du Printemps,
thème saisonnier, mais aussi une fête dont l'importance était
grande, en Occident, puis en Orient grec, à partir du rire siècle
de notre ère, et au-delà[170].
L'image du mois de Juin, un moissonneur portant une faucille et une gerbe de
blé, est attendue à cette place, car en Grèce la moisson
commence normalement dès les premières semaines de ce mois. Mais,
dans des contrées moins chaudes, elle caractérise plutôt
Juillet[171] : à Tégée
même, c’est Juillet qui porte une faux et une gerbe d'épis[172],
et les cycles byzantins suivent assez souvent cette répartition[173]
; cela expliquerait qu'à Argos, comme nous allons le voir, le thème
soit partagé entre les deux mois. Tel quel, il est purement saisonnier.,
comme à Antioche et ailleurs[174],
et comme dans les exemples où on trouve à cette place des fruits
de diverses sortes[175] ; dans
le Calendrier de 354 au contraire, il s'y mêle des allusions à
des fêtes religieuses, avec les torches, symboles du solstice d'été[176]
; pourtant, l'artiste n'y a pas oublié la faucille, que porte le paysan
d'Argos. C'est que la figure a été fortement influencée
par celle de la Saison d'Été, avec laquelle même elle se
confond souvent ; on retrouve à Antioche, dans cette iconographie des
Saisons, pratiquement le thème d'Argos[177],
et il en est de même pour d'assez nombreux reliefs de sarcophages[178].
L'image de Juillet n'est pas facile à replacer dans les séries
connues de représentations de Mois. Et surtout à cause du coffret
qu'elle porte sur le bras gauche, et de ce qu'il contient. La couleur interdit
d'y reconnaître les mûres que présente le personnage du Calendrier
de 354[179], et qu'on retrouve
ailleurs[180]. On penserait plutôt
à des monnaies rassemblées dans une cassette ; de fait, on en
retrouve sur le Calendrier de 354 et ailleurs pour ce même mois[181],
à cause du rôle qu'y jouait Hermès “ Ploutodotès
”. Mais la technique de mosaïque est très différente
de celle qui, a été utilisée pour les pièces que
jette Janvier ; les taches jaunes et vertes doivent plutôt représenter
des grains, les grains du blé coupé au mois de Juin, et le récipient
carré qui les contient doit être une mesure de capacité,
telle qu'on en connaît quelques exemples[182]
; l'attribut de la main droite, la pelle à vanner – –,
fait de la figure une image purement saisonnière. Nous n'avons guère
de représentations directement comparables, sauf peut-être une
image de Beisan, pour le mois de Juin[183]
; mais des cycles byzantins symbolisent Juillet par le battage du blé[184],
et ce pourrait être une image introduite dans la tradition byzantine,
et déjà à Argos, à cause de la tendance à
donner plus d'importance aux activités rurales, et par là à
dédoubler certaines représentations : la fonction saisonnière
est la même que celle de Juin, mais prise au degré suivant de son
développement. Cette division du thème en deux tableaux rappelle
celle que nous avons remarqué entre Mars et Avril : nous la retrouverons
entre Septembre et Octobre et aussi, dans une certaine mesure, entre Décembre
et Février. Il n'empêche que l'image du boisseau à mesurer
les grains devait évoquer assez directement l'idée des bénéfices
de la récolte, et que par là on retrouvait, comme sous-entendue,
l'image d'Hermès
et les monnaies de tant d'autres représentations du Mois.
La figure d'Août, elle, ne semble guère présenter de difficultés
d'interprétation, tant son symbolisme, particulièrement riche
trouve çà et là de correspondances. Sa signification d'ensemble
est de symboliser la chaleur : le costume du personnage, déjà,
l'indique : cette robe transparente que nulle ceinture ne serre au corps, évoque
une idée de canicule, que d'autres représentations d'Août,
celle du Calendrier de 354 par exemple[185]
traduisent par la nudité du personnage. Le Mois tient d'une main un éventail,
dont l'utilité est évidente, de l'autre un fruit qui, plus subtilement
se rattache au même thème : car il s'agit d'un melon ou d'une pastèque
en tout cas d'un fruit juteux, dont encore de nos jours on fait grand usage
en Grèce pour calmer la soif[186].
Éventail et fruit juteux se trouvent fréquemment représentés
sur les images qui symbolisent ce Mois : mais on a fait justement remarquer
que, normalement, ils ne sont pas figurés ensemble[187]
: ou bien un homme porte d'une main un éventail, de l'autre un cruche[188]
; ou bien il tient deux fruits, melon et fruit de forme allongée[189].
L'image du Calendrier de 354, elle, réunit les deux thèmes, puisqu'elle
groupe l'homme nu qui boit, le flabellum et les melons[190]
: mais on considérait que les cycles grecs les séparaient : l'image
d'Argos oblige à modifier cette affirmation. D'un autre côté,
cette image se rattache à un thème saisonnier, d'une manière
sur laquelle on n'a peut-être point assez mis l'accent : les fruits, ou
le fruit, que tient le personnage, sont les attributs habituels de l'Automne[191],
autant que les raisins que nous retrouverons au mois suivant ; et c'est probablement
à cette opulence de l'arrière-saison, tout autant qu'à
l'idée d'otium qu'évoque la canicule, que font allusion les riches
vêtements du Mois d'Argos.
Le Mois de Septembre, tel qu'il est figuré à Argos, se rattache
lui aussi à une série iconographique bien connue. De la main gauche
il soulève une grappe de raisins et cette image de vendanges est tout
à fait attendue à cette place, comme aussi le panier de raisins
et la cuve à fouler[192]
; la figure se rattache directement à celle de la Saison d'Automne[193].
Mais l'objet que tient dans sa main droite le personnage d'Argos pose un problème
; a priori, on s'attendrait à une grappe de raisins encore, qu'il jetterait
dans la cuve à fouler ; et, nous l'avons vu, quelques cubes rouges et
verts pourraient confirmer cette hypothèse[194].
Pourtant, il n'est pas exclu qu'il faille tenir compte d'autres représentations,
assez nombreuses, apparaissant vers le milieu du IVe siècle, et dont
le Calendrier de 354 donne un exemple tout à fait significatif[195]
: le Mois y tient un lézard, attaché à un fil, au-dessus
d'une jarre, à moins que la bête ne grimpe le long d'une corde.
Il ne sera jamais possible de prouver que la représentation d'Argos n'a
point place à côté de ces exemples, une destruction particulièrement
malencontreuse ayant fait disparaître l'objet, ou l'animal, dans sa presque
totalité ; la forme pourrait correspondre à la rigueur à
celle d'un lézard ; mais les raisons qui poussent à nier sa présence
paraissent plus fortes que celles qui inviteraient à l'y reconnaître
; d'autant qu'il ne semble pas que jouent dans le pavement d'Argos les allusions
symboliques qui doivent expliquer l'imagerie curieuse du Calendrier de 354 et
des cycles apparentés, et sur lesquelles d'ailleurs toute la lumière
semble n'être point encore faite[196].
La représentation d'Octobre, un homme qui tend une bouteille de vin et
une coupe remplie, fait évidemment allusion au vin nouveau, qu'on déguste
à cette époque[197].
Elle se rattache directement à la représentation de Septembre,
pour former un de ces “couples ” dont il a été question
à propos de Juin-Juillet[198]
; c'est qu'ici encore l'iconographie antique présente des incertitudes
quant à la distribution de la vendange entre ces deux mois : le panier
de raisins, qui à Argos doit évidemment appartenir à Septembre,
plusieurs fois se trouve attribué au Mois d'Octobre[199].
Mais la dualité vendanges-fabrication du vin, mise en rapport avec la
dualité Septembre-Octobre, semble caractériser quelques cycles
du monde grec[200], et le geste
même du personnage d'Argos est tout à fait analogue à celui
de Tégée, où un jeune homme verse le vin d'une bouteille
dans un récipient qu'il tient de la main droite[201].
Le thème est évidemment, ici encore, saisonnier : il n'est pas
jusqu'à la couleur de la tunique d'Octobre qui n'évoque celle
du manteau de l'Automne[202].
Ce dédoublement, à Argos, du thème de la vendange, permettait
d'éviter celui de la chasse - fréquent ailleurs à -cette
place, mais traité à Argos, avec quelle richesse, dans les deux
pavements voisins, et de réserver pour le Mois suivant celui des semailles
d'automne.
Le Mois de Novembre, en effet, porte une charrue et une hache. Le thème
ne semble pas avoir joui d'une grande faveur dans l'ensemble de l'iconographie
antique des Mois, qui d'ailleurs ne présente pas en cet endroit la même
relative fixité que pour le début de l'année, par exemple.
Certains cycles, comme le Calendrier de 354, montrent ici une fête religieuse[203]
d'autres présentent des sujets saisonniers, mais souvent mal déterminés[204] ;
on ne trouve guère le paysan bêchant la terre qu'au portail de
Saint Marc de Venise, ou encore sur le ms. DXL de la bibliothèque Marcienne[205].
Mais le thème du labour pourrait avoir eu un succès particulier
dans les cycles grecs : on le trouve déjà sur le bas-relief de
la Petite Métropole d’Athènes, pour le mois de Maimakterion
(Novembre-Décembre)[206],
et, à l'autre extrémité de ce développement iconographique,
dans les cycles byzantins[207]
; le fait que les semailles d'Automne sont mentionnées assez fréquemment
par les poètes latins et grecs[208]
laisse deviner une extension de ce thème plus grande que ne le feraient
supposer les documents connus jusqu'à ce jour, et parmi lesquels l'image
d'Argos doit tenir une place particulière.
Le Mois de Décembre, enfin, est figuré à Argos comme un
voyageur âgé – représentation curieuse, qu'il ne semble
guère possible de rattacher directement à d'autres représentations
connues. Mais, si on laisse de côté les images de fêtes,
comme les Saturnales du Calendrier de 354[209],
on peut retrouver çà et là les éléments qui
composent le thème d'Argos. Le costume est évidemment une allusion
à l'hiver, et il donne à l'image son caractère “
saisonnier ” : on trouve le manteau et les bottes déjà dans
le relief de la Petite Métropole d'Athènes[210],
et les rapports entre les vêtements de Décembre et ceux du Bon
Pasteur, sur lesquelles nous avons insisté[211],
s'expliquent par leur rôle semblable. Par là, cette figure symbolise
la saison d'Hiver tout autant que celle de Février, dont elle est séparée
par le thème urbain du consul. Il est possible qu'il faille aussi faire
intervenir certaines images de chasse, où l'on voit un paysan portant
un sac, où mettre les oiseaux, et un bâton qu'il devait enduire
de glu pour les capturer[212].
Enfin, la vieillesse du personnage, son mouvement de départ, qui doivent
symboliser la fin de l'année, trouvent une correspondance dans le vieil
homme de Février, qui a la même signification dans certains cycles
byzantins, quand l'année commence au 1er mars[213].
Tels sont les éléments qui doivent expliquer l'image de Décembre
: il est regrettable que la destruction, en cet endroit, de la mosaïque
de Tégée nous prive d'un élément de comparaison
qui aurait pu être décisif.
Ainsi, cette Mosaïque des Mois, à Argos, semble se caractériser,
du point de vue iconographique, par une prédominance absolue des thèmes
“ saisonniers ” sur ceux qui rappellent des coutumes ou des fêtes
populaires, et par l'absence complète des représentations de cérémonies
du culte païen.: Alors qu'un document comme le Calendrier de 354 réalise
un équilibre assez exact entre ces trois éléments[214],
on ne trouve ici pratiquement aucune figure, sauf celle de Janvier, que n'enrichisse
quelque allusion à l'iconographie des Saisons ; davantage, la plupart
d'entre elles combinent uniquement des éléments “ saisonniers
”, et à peine pourrait-on relever, le thème de Janvier mis
à part, des souvenirs de fêtes populaires dans les attributs de
Mai, et peut-être les souvenirs d'une fête militaire dans la figure
de Mars[215]. Par là, le
cycle d'Argos se rapproche du cycle de Tégée, dont il est regrettable
que plusieurs images aient disparu[216],
plus généralement des cycles grecs, auquel ce dernier appartenait
aussi[217], et des cycles byzantins,
où le thème des travaux des champs se développe largement[218]
: à Argos, tous les Mois sont des paysans, sauf Janvier, et probablement
Août, et cette importance prépondérante des images de la
vie rurale est assez caractéristique. Mais, si le cycle d'Argos se rattache
encore aux cycles grecs, comme on pouvait s'y attendre, par des traits essentiels,
comme l'utilisation pour Mars du dieu de la guerre, pour Avril du berger, il
fait preuve à leur égard d'une certaine indépendance, par
exemple dans cette image de Mars qui combine le guerrier, l'hirondelle et le
vase de lait, dans l'image d'Août avec le fruit et l'éventail,
et aussi par cette tendance qui y apparaît de distribuer chaque thème
saisonnier, pris a deux moments différents de son histoire, entre deux
mois successifs, - comme par suite, 5' non d'une indigence de matière,
mais d'une volonté de n'utiliser que des sujets purement ruraux, Enfin,
le cycle semble sinon innover, du moins admettre des thèmes rares, au
moins pour nous, dans. l'état actuel de nos connaissances ; le Consul
de Janvier, par exemple, ne se retrouve à cette place que dans deux autres
documents, et il semble qu'aucune représentation ne donne jusqu'à
présent d'équivalent exact du Mois de Décembre. Du moins
cette série, malgré sa date assez tardive, s'intègre-t-elle
dans la tradition antique la plus large, celle où chaque mois est figuré,
symbolisé, personnifié[219]
par un seul personnage, par opposition aux représentations à personnages
multiples, qui font les “ travaux des Mois ” du Moyen Age[220].
Même, les Mois d'Argos n'agissent pas ; ils présentent leurs instruments
de travail, comme des attributs, dans une sorte de parade immobile : seul Janvier
laisse tomber les pièces, qui autrement n'apparaîtraient pas. Par
là, ces personnages acquièrent une dignité, une valeur
abstraite, qui les élève au-dessus d'une simple représentation
de la réalité quotidienne : ils symbolisent la grande idée
du Temps[221], et la liaison est
caractéristique avec l'autre sujet qui décore la salle à
manger de la même maison, la scène dionysiaque : on retrouve ailleurs
cette liaison, sous des formes souvent très proches[222],
et il est probable qu'elle exprime, sinon la “ philosophie ” des
occupants du lieu, du moins leurs soucis et leurs aspirations.
[1] Cf. BCH, 77 (l953), p.
244-248. Dans son dernier état (fin du IVe siècle), le bâtiment
devait constituer une annexe d'un établissement de bains.
[2] Cf. BCH, 78 (1954), p.
168-170, avec, le plan (fîg. 20) : la maison Kolivinou est celle
qui, sur ce plan, enfonce son angle N.-O. dans la mosaïque des mois.
[3] Cf. BCH, 80 (1956), p.
396-398, avec les figures 58 à 60.
[4] Cf. BCH, 54 (l930), p.
481. Cf. aussi W. C. Vollgraff, Nieuwe Opgravingen te Argos, dans Mededelingen
der Koninklijke Akadeinie van Wetenschappen, 72, B, 3, 1931, p. 71-124.
Le pavement est situé dans le plan d'Argos, BCH, 78 (l954), fig.
1 de la Chronique des fouilles (p. 158) immédiatement à
l'Ouest de la maison Kolivinou, en bordure de la rue Gounaris ; cf. BCH
1956, p. 360-361, fig. 1 et ci-dessous, p. 636-637, fig. 1.
[5] Trouvée à quelque
distance de là, la mosaïque des Oiseaux, probablement un peu antérieure,
reposait sur une base plus solide encore, faite, en dessous de la couche de
mortier blanc dur où sont enfoncés les cubes, d'une large couche
de mortier mêlé de charbon, cailloux, briques pilées, sur
près de 11 centimètres de hauteur, puis d'une couche tout aussi
importante de moellons noyés dans un mortier maigre. Par contre, pour
la mosaïque qui orne l'orchestra de l'Odéon (cf. BCH, 78
(I954), p. 170-173, et 80 (1956), p. 395 -396), très antérieure
puisqu'elle appartient au premier état du bâtiment romain, les
cubes sont directement enfoncés dans un mortier de chaux mêlé
de briques pilées, sous lequel vient une couche de mortier fin, puis
une couche de mortier grossier, reposant elle-même sur un cailloutis :
l'ensemble ne dépasse guère une épaisseur de 10 centimètres
; et les réparations qu'il a subies, probablement vers le IVe, siècle,
correspondent à une technique encore plus légère. La mosaïque
des Mois évoquerait donc, déjà par sa structure, un renouveau
de cet art, prenant mieux conscience de ses besoins.
[6] A Antioche par exemple, on trouve
jusqu’à 523 cubes dans 10 centimètres carrés pour
les têtes ; mais les bordures géométriques ne dépassent
guère 64 cubes ; cf. D. Levi, Antioch Mosaic Pavements (travail
auquel nous renverrons souvent par la suite sous l'abréviation D. Levi,
Antioch), p. 632-634 ; au Grand Palais de Constantinople, de 176 à
437, cf. G. Brett, The great Palace of the Byzantine Emperors, p. 65.
[7] Cette technique, on l'a fait remarquer
(cf. D. Levi, Antioch, Appendice 3, p. 630) est aussi ancienne que l'art
même de la mosaïque ; on la trouve employée à Antioche
pour le vert, comme à Argos et pour les mêmes raisons, mais aussi
pour le bleu ; et il en est de même à Délos (cf. M. Bulard,
Peintures morales et mosaïques de Délos, Mon. Piot, 14 (1908),
p. 204) ou à Stamboul (cf. G. Brett, l. l., p. 65). La
tendance fut d'en augmenter la proportion, mais elle pouvait difficilement jouer
à Argos, pour une mosaïque sur laquelle on devait circuler.
[8] Il est possible que ce septième
panneau ait été créé par symétrie avec les
sept panneaux du portique Ouest, ou encore qu'il ait facilité la division
de la surface à décorer, encore que ces arguments n'aient pas
de valeur absolue ; mais quelle pouvait en être la représentation
? Avant que le pavement ne soit entièrement dégagé, on
pouvait penser, et on a pensé en effet (c'était l’idée
de Vollgraff), à ces coupures de l'année byzantine, qui la font
commencer soit en Mars soit en Septembre (cf. H. Stern, le Calendrier de
354, p. 231 ; Poésies et représentations carolingiennes
et byzantines des mois, dans RA, 1955, 1, p. 181-183) : le panneau
manquant aurait alors figuré Novembre et Décembre. Cette thèse
n'étant plus soutenable, on admettra, en l'absence de parallèles
assurés, la possibilité d'une représentation allégorique,
destinée à introduire la série des Mois, peut-être
le Temps, dont le déroulement semble avoir constitué un thème
de prédilection de l'art à la fin de l'antiquité (et. A.
Stern, le Calendrier de 354, p. 296-298) ou alors, comme pour le panneau
central autour duquel sont groupés les Mois, à l'Arc de Reims
ou à Carthage, Annus, ou Terra (ibid., p. 209).
[9] Pour la tradition des petits panneaux
représentant des sujets, souvent allégoriques, avec inscriptions,
cf. les exemples d'Antioche, des le second siècle (D. Levi, Antioch,
II, pl. X, b ; pl. XXXI, a ; etc.).
[10] Chaque fois la bande à
motif géométrique rouge et blanc est comprise entre deux traits
noirs (d'une file de cubes), et cernée à l'extérieur par
une bande blanche (deux files de cubes) qui fait la séparation d'avec
le fond noir des rinceaux.
[11] Nous numérotons les
panneaux à partir du début de la série, en attribuant le
numéro 0 à celui qui est presque complètement détruit.
[12] On compte en effet de 6 à
8 perles longitudinales sur chaque côté. Le motif, emprunté
à la décoration architecturale, semble assez rarement employé.
A Antioche, où on trouve plusieurs fois un cadre orné d'un autre
motif architectural, celui des oves, les perles ne sont utilisées que
pour un pavement du début du VIe siècle (D. Levi, Antioch,
II, pl. CXXXVIII, e).
[13] On retrouve des irrégularités
du même ordre à Délos, cf. J. Chamonard, Mosaïques
la maison des Masques (Explor. arch. de Délos, t. 14, p. 35) et,
dans la Gaule romaine, à Vaison (mosaïque du petit triclinium de
la Maison du Buste en Argent).
[14] Le motif lui-mème est
très fréquent en Italie, dès les débuts de la mosaïque
(cf. M. F. Blake Memoirs of the American Academy in Rome, 8 (1930),
The Pavements of the Roman Buildings the Republic and early Empire,
p. 7-160, passim). A Antioche, il semblerait que les vagues blanches
soient plutôt à l'extérieur ; mais elles se déroulent
indifféremment vers la droite ou vers la gauche.
[15] Déjà à
Délos, cf. M. Bulard, Peintures murales et mosaïques de Délos,
p. 190, etc. A Antioche, ils constituent, avec les vagues, l'entourage habituel
des panneaux, cf. D. Lévi, Antioch, II, pl. LVIII, et les exemples
de la noie suivante.
[16] Le schéma habituel montre
aux angles une diagonale de petits cubes, cf. p. ex. D. Lévi, Antioch,
II, pl. VII, b et c, XV, b, XXII, etc.
[17] De plus, les triangles du 6
sont nettement plus larges que ceux du 2, leur sommet étant fait de deux
cubes, au lieu d'un seul, si bien que le côté des panneaux en comporte
seulement 9, contre 12 ou 13 pour le panneau 2.
[18] Cf. ci-dessous, p. 230 n. 3.
[19] On compte normalement trois
cercles, sauf en dessous du panneau 2, fig. 19, où ils sont au nombre
de quatre.
[20] D'autres décorations,
du même type présentent des médaillons inversés ;
cf. par ex. le Jugement de Pâris d'Antioche, au Musée du Louvre
(et D. Levi, Antioch, II, pl. I, b) : le pavement est du début
du second siècle).
[21] Le schéma paraît
rare. Cf. D. Levi, Antioch., II, pl. XXIII, c, mais les têtes sont
tournées vers l’extérieur.
[22] Ce fond noir est à peu
près de règle dans les exemples comparables dont nous allons parler.
On trouve pourtant un fond blanc sur quelques pavements, surtout tardifs, par
exemple à Antioche, ibid. pl. LXXXVIII, LXXXIX ; pl. XCI (VIe
siècle), et au Grand Palais de Constantinople (G. Brett, The Great
Palace of lhe Byzantine Emperors, planches). Mais le fond noir, même
alors, reste courant.
[23] Nous retrouverons ces caractères,
pour l'essentiel, aux tètes des Mois ; cf. ci-dessous, p. 250. On les
voit apparaître déjà, à Antioche, dans des mascarons
de l'époque constantinienne (D. Lévi, Antioch, II, pl.
CLIII, b ; CLXI, b), où les chevelures sont des feuilles qui constituent
le début des rinceaux. Mais la précision et les techniques du
dessin des yeux évoquent plutôt des visages de Ravenne, comme celui
de l'empereur Justinien (cf. A. Grabar, La peinture byzantine, p. 66)
où la caroncule lacrymale est marquée par un point vermillon,
comme dans certains des mascarons d'Argos. Pour ces rapprochements, cf. ci-dessous,
p. 226 n. 1. Par contre, les mascarons de Constantinople (G. Brett, l.
c.) sont tout différents. Cf. ci-dessous, p. 224 n. 3.
[24] En fait, le rameau “ rose-rouge ”,
par exemple, est composé de cues roses, avec des lignes vermillon pour
marquer les nervures des feuilles, et une ligne blanche pour les cerner. L’autre
couleur comporte des cubes allant du jaune paille très clair au jaune
vert, avec un cerne blanc et des nervures en vert foncé, parfois vert
olive, mais on trouve aussi des feuilles vertes cernées de rose ;
c’est pourquoi nous parlons de “ dominante ”, plutôt
que de couleur.
[25] C’est là aussi,
que se fait la liaison des deux couleur, car ils comportent chaque fois une
dominante, mais avec un rappel de l'autre.
[26] L'origine de ces boules apparaît
bien par exemple à Constantinople, cf. G. Brett l.l. pl. 42 ;
c'étaient d'abord des fruits indépendants.
[27] D. Levi (Antioch, I,
p. 517 as.) a étudié d'une manière très complète
l'évolution de ce schéma décoratif. Mais on a insisté
aussi sur ses relations avec l'art hellénistique, cf. J. M. C. Toynbee
et J. B. Ward Perkins, Peopled Scrolls: a Hellenistic Motif in Imperial Art,
dans P. B. S. R., 18 (1950) p. 1-43; cf. aussi Will, Le
relief cultuel gréco-romain, Index, s. v. “ le rinceau
animé ”. Les mascarons doivent dériver des masques
de théâtre, qu'on trouve dans certaines représentations
anciennes de ce type, cf. des mosaïques de Naples (M. van Berchem et F.
Clouzot, Mosaïques chrétiennes du IVe au Xe siècle,
fig. 1 et 2), ou d'ailleurs (cf. M. E. Blake, The pavements of
the Roman Buildings of the Republic and Early Empire, MAAR, 8, 1930, pl.
46, 4).
[28] Les rinceaux d'Argos rappellent
surtout des exemples très tardifs ; à Antioche, on peu les comparer
directement à ceux du Yakto Complex (cf. D. Levi, Antioch,
II, pl. CXLIII, g, CXLIV, a), de la fin du Ve siècle, où l'organisation
de l'espace est la même, les cercles étant nettement marqués
à l'extérieur, tandis qu'à l'intérieur les feuilles
dessinent des découpures profondes ; ou encore à des pavements
de Béthleem ou de Jérusalem (ibid., I, p. 506-507, fig.
185 et 186) ; où d'ailleurs l'idée même du rinceau
n'est plus comprise, mais dont la stylisation est très proc de celle
d'Argos. Ainsi, cette décoration, comme le dessin même des mascarons,
ne permet guère de faire remonter la mosaïque bien au-delà
des débuts du VIe siècle.
[29] Il est difficile d'y
reconnaître des anguilles, car la décoration ne comporte pas de
poisson, singularité remarquable si l'on considère et la proximité
d'Argos et de la mer, et surtout le succès qu'ont eu ces représentations
(cf. par exemple à Antioche, D. Levi, l. l., II, pl. LXXIX, où
l’on voit, dans un quadrillage, un semis d'animaux, d'oiseaux, de poissons,
et de fruits. Le pavement est du milieu du Ve siècle).
Mais les serpents aussi figuraient dans les rinceaux, et depuis une date assez
ancienne (cf. M. E. Blake, Roman Mosaics of the Second Century in Italy,
dans M. A. 13 (1936), pl. 42. 1).
[30] Sur leur interprétation,
cf. ci-dessous, p. 263, n. 8.
[31] Pour des images très
semblables de paniers, cf. ceux de Mai et de Septembre, ci-dessous, p. 239 et
244 ; et D. Levi Antioch, II, pl. LIX d.
[32] On retrouve des collerettes
du même type, toujours sous de petites tètes, à Rome, dès
le IVe siècle, cf. M. van Berchem et E. Clouzot, Mosaïques chrétiennes
du IVe au Xe siècle, p. 5, fig. 8, et J. Wilpert, Die
römischen Mosaiken und Malereien der kirchlichen Bauten vom 4. Bis 13,
Jahrhundert, t. III, pl. 6.
[33] Il est très probable
que ces têtes ont pris la place des Amours qui peuplent les guirlandes
et les rinceaux hellénistiques et romains, cf. p. ex. les images de M.
E. Blake, The pavements of the Roman Buildings of
the Republic and Early Empire, dans M. A. A. R., 8
(1930), pl. 50, 4 ; et G.V. Gentili, I mosaici della villa Romana del Casale
di Piazza Armerina, dans Bolletino d'Arte, 37 (1952), fig. 7, p.
35.
[34] Ainsi, le thème des
oiseaux était des plus en faveur à ces débuts de l'art
byzantin (cf. M. van Berchem et E. Clouzot, l. l., p. XXVIII); on trouve
fréquemment, avec des fruits, des canards, des échassiers, des
oiseaux de toute sorte, à Antioche, dans des pavements du Ve siècle
(cf. D. Levi, Antioch, II. pl. LXVIII, b; LXXIV; etc.).
[35] Dans quelques cas, très
rares, – le raisin (fig. 7 et 8), le concombre
(fig. 9), – le motif est rattaché au rinceau d'une manière
à peu près réaliste; mais dans l'ensemble le mosaïste
n'a fait aucun effort pour aboutir à ce résultat, même pour
les oiseaux, qu'il aurait été pourtant facile de poser sur les
feuilles. On suit, tout au long de l'histoire de ce type décoratif, à
Antioche et ailleurs, l'évolution qui aboutit à cette indépendance
des médaillons et des sujets, depuis le “ Jugement de Paris ”
(D. Levi, Antioch, II, pl. I, b) du début du IIe siècle,
jusqu'au Martyrium de Séleucie, (ibid., pl. LXXXVIII, a, b ; LXXXIX,
a, b, VIe siècle), où les seuls motifs rattachés aux rinceaux
sont les grappes de raisins, tandis que les oiseaux en sont absolument indépendants.
Dans le premier quart du VIe siècle, les feuillages sont devenus un motif
purement ornemental, à tel point qu'une chasse y est mêlée,
ibid., pl. CXLIV, b, c.
[36] La relative indépendance
des deux tresses parallèles, malgré leur unité de fait,
est bien montrée par la particularité suivante : dans la bande
qui passe au-dessus des panneaux, la partie centrale des crochets, celle qui,
traversant le fond noir, unit les tresses, est faite non pas de trois files
de cubes comme les autres, mais de deux seulement le motif semble avoir été
copié sans être compris.
[37] La “ dominante ”
jaune comprend trois files de cubes jaune paille, avec quelquefois celle de
l'intérieur nettement plus claire; pour le rose, on a deux files de rose
et une de jaune, tantôt à l'extérieur, tantôt à
l'intérieur ; pour le rouge, deux files rouge brique, une file rose.
On obtient ainsi des bandes aux rapports très subtils, non par la couleur
propre des cubes, mais par la juxtaposition de ces lignes de couleurs différentes,
qui, vue à distance, recompose une tonalité particulièrement
délicate.
[38] Ce motif dérive directement
de celui de la tresse, un des plus communs de l'art des mosaïstes hellénistiques
et romains. On en voit les origines à Délos (cf. M. Bulard, Peintures
murales et mosaïques de Délos, Mon. Piot, 14 (1908), fig. 67
et p. 191), mais plutôt sous la forme d'une série de calices emboîtés,
avec pourtant déjà la double file de petits cercles. On le retrouve,
au Ier siècle avant J.-C., à Pompéi (et. M. E. Blake, The
pavements of the Roman Buildings of
the Republic and Early Empire, M. A. A. R., 8 (1930), pl.
17, 2) avec des caractères encore assez éloignés de ceux
d'Argos; puis au IIe siècle, avec des crochets vraiment entrelacés
(M. E. Blake, Roman mosaics of the second century in Italy, dans M.
A. A. R., 13 (1936), pl. 46, 3). A Antioche, on trouve vers le milieu du
Ve siècle des exemples très proches de celui d'Argos (cf. D. Levi,
Antioch, II, pl. LXXIII, a et CXXXI, d), mais où les torsades
sont moins marquées, car la partie centrale de chaque crochet passe sous
la naissance du crochet suivant, qui elle-même se fait à partir
d’une ligne sans autre signification. Cf. surtout Forschtingen in Salona,
I, p. 53, fig. 80 (Basilira urbana, début du Ve siècle). Pouf
une variante curieuse cf. C. H. Kraeling, Gerasa, City of
the Decapolis, pl. LXII, 2.
[39] Cf. ci-dessus, p. 222. Pour
le motif lui-même, cf. par exemple D. Levi, Antioch, I, p.374 ;
M. F. Blake, The pavement of thé Roman Buildings.... p. 83, p.
109, etc.
[40] A Antioche, ce mode de décoration
semble caractériser des ensembles du D. Levi, Antioch, II, pl.
CXXXV, CXXXVI, etc. Cf. aussi Kraeling, l. l., pl. LXXX, E et F (VIe
siècle).
[41] La répartition des files
de couleurs dans ces bandes appelle les mêmes remarques que pour les tresses.
La bande grise, en particulier, comprend deux files de gris, une de jaune ;
celle du rose, deux files de rose, une de jaune paille.
[42] Inscription des deux côtés
de la tête : 
[43] La coiffure, comme celle de
tous les personnages de la série, comporte des cheveux de longueur moyenne,
taillés en rond, ramenés en avant, et descendant assez largement
sur le cou. C'est la mode la plus répandue à partir de Constantin
; on remarquera aussi l'absence de la barbe, que portent certains visages que
nous aurons à comparer le plus étroitement à ces présentations,
Cf. H. Torp, Les mosaïques de Saint-Georges à Thessalonique,
dans (1953),
A', p. 492, n. 1 et 2.
[44] On retrouve des revers larges,
atteignant souvent presque le niveau du coude, dans les robes d'apparat des
hauts dignitaires, au Bas-Empire, cf. p. ex. les images des consuls donnés
par le Daremberg-5aglio-Pottier, D. A., II, fig. 1907-1909, etc.
[45] Ces deux tuniques superposées
sont habituelles dans les représentations des consuls du Bas-Empire.
Sur la discussion à laquelle a donné lieu le texte de Jean Lydus,
De magist., II, 32, le D. A., s. v. Consul, I, 1480. Pour Argos,
cL D. Levi, The Allegories of the Months dans Art Bulletin, 23
(1941), p. 253-254.
[46] Sur cet arrangement, cf. L.
Heuzey, La loge romaine étudiée sur le modèle vivant,
dans Revue de l'Art ancien et moderne, 1897, t. I, p. 104 ss. repris
dans Histoire du Costume antique, p.269-273, fig. 139 ; Delbrueck, Die
Consulardiptychen, p. 46 ss. ; N. Albizzati, L'ultima toga, dans
Rivista italiana di numismatica, 35, 5 (1923), p. 69-92 ; J. Wilpert,
L'abito trionfale dei consoli secondo i monumenti del secolo IV e seguenti,
dans Arte, 1898, p. 98 ss. ; L. M. Wilson, The Roman toga, Baltimore,
1924 ; V. Chapot, Propos sur la toge, dans les Mem. de la Soc. nat.
des Antiquaires de France, 10 (1937), p. 37 es. ; et L. M. Wilson, Clothing
of the ancient Romans, Baltimore, 1938. Or, l'arrangement d'Argos n'apparaît
pratiquement pas avant la fin du Ve siècle (cf. H. Stern, Le Calendrier
de 354, p. 222-223). On noterait pourtant que, dans un rendu exact de ce type
de draperie, on attendrait la dessin du pan d'étoffe qui descend verticalement
devant le corps, en passant sous les deux croisements : or ce pan, figuré
dans tous les exemples comparables, ne l'est pas ici.
[47] Dans l'église Saint-Démétrios
de Salonique, un des donateurs, en costume consulaire, est vêtu d'une
toge dont l'étoffe est bordée tout au long par une bande, comme
à Argos ; cf. la figure dans A. Grabar, La peinture byzantine, Skira,
p. 50 (la mosaïque serait du VIIe ou du VIe siècle).
[48] Dans les nombreux exemples
connus les deux lanières, après s'être croisées sur
le cou-de-pied, passent derrière la cheville, pour s'y enrouler. Or,
ici, cités semblent redescendre vers la semelle. Il doit s'agir d'une
copie de représentation mal comprise ; certaines images permettent
de concevoir comment l'erreur a pu se produire, cf. p. exemple le pied gauche
de ce même donateur à Saint-Démétrios de Salonique,
Grabar, ibid., p. 50 ; et aussi peut-être Wl. Weidlé,
Mosaiques paléochrétiennes et byzantines, fig. 129 à
droite ; la déformation perspective qui résulte d'une vision “ en
plongée ” a pu faire croire, à qui n'avait jamais examiné
de calcei senatorii, que les lanières rejoignaient à
l'arrière la semelle.
[49] Sur la signification de ce
geste, cf. ci-dessous, p. 256-258.
[50] Il s'agit bien probablement
d'une chaise curule, comme l'avait vu Vollgraff, De figura mensis Januarii,
e codice deperdito exscripta, dans Mnemosyne, 59 (1931), p. 394-402
; contra H. Stern, Le calendrier de 354, p. 303, n. 1 ; mais
ce siège est figuré, ibid., p. 156, dans la spartio
de Constance II. Ici Janvier ne peut être assis, car tous les autres mois
sont debout ; mais la chaise curule précise encore sa dignité.
[51] Vollgraff (ibid.), suivi
par Stern (ibid., p. 302-303), y a reconnu un livre des Fastes; mais
il pourrait s'agir aussi d'un dyptique consulaire fermé ; pour le décor
de sa surface, cf. ci-dessous, p. 253.
[52] Inscription à droite
de la tète .
[53] Il s'agit là de la tunica
manicata cintla, que portent normalement les travailleurs, à partir
du IIIe siècle ; et on retrouve sur bien des représentations les
clavi qui ornaient même les plus modestes, cf. par ex. D. Levi,
Antioch, II, pl. LIX, pour des paysans de l'époque constantinienne
; G.V. Gentili, I mosaici della villa romana del Casale di Piazza Armerina,
dans Bolletino d'Arte, 37 (1952), fig. 40 et 41, etc. Pour la manière
dont étaient tissés “ en gobelin ” ces galons,
cf. les travaux de R. Pfister, Tissus coptes du Musée du Louvre, p.
2; R. Pfister, Textiles de Palmyre, I-III, 1934-1940 ; R. Pfister
et L. Bollinger, The textiles, dans Excavations à Dura-Europos,
Final Report, IV, 1945, p. 10-15 ; H. Seyrig, Armes et.costumes iraniens
de Palmyre, dans Syria, 18 (1937), p. 20-21, fig. 12.
[54] On en compte une large, verticale,
au centre; une fine à gauche ; une large, oblique, à droite, qui
passe par-dessus la bande verte. Cette indication surtout, et aussi,
vers le bas de la tunique, des courbes qui doivent en marquer les gonflements,
semblent bien indiquer qu'il s'agit de plis et non de broderies.
[55] Il ne s'agit pas là
de la pèlerine que nous retrouverons à Décembre (ci dessous,
p. 246, n. 3), mais de la paenula, large bande rectangulaire, ni cousue
ni ajustée, mais drapée à volonté, cf. Dict.
arch. chr. et de liturgie, s. v. pallium, IV, 291-293 ; il semble
qu'il faille la reconnaître sur le Bon Pasteur du Mausolée de Galla
Placidia à Ravenne, cf. p. ex. A. Grabar, La peinture byzantine,
p. 53.
[56] Elles portaient le nom de fasciae
calceamenti, ou fasciae pedules, pour les distinguer des fasciae crurales,
cf. Dict. d'arch. chr. et de liturgie, s. v. chausses,
III, 1229 ss.
[57] Il est difficile de
déterminer le nom de ces jambières, car les définitions
des anciens manquent de précision : il peut s'agir de tibialia,
cf. ibid., III, 1229, en grec podovrtia ou podopavnia, cf.
, t. IV, p. 417-418. En tout cas, des représentations anciennes montrent
qu'il s'agit bien de l'enroulement d'une large bande d'étoffe, dont le
biais marque l'extrémité, cf. D. Levi, Antioch, II, pl.
LVI a, chasseur de droite.
[58] Inscription à gauche
de la tète : 
[59] On voit bien ici la forme des
manches de ces tuniques de travail, très serrées au poignet, où
parfois elles sont retroussées. Cette mode paraît caractéristique
du Bas-Empire.
[60] Ces lambrequins, ,
qui complétaient naturellement l'armure, nous sont connus par
les nombreuses représentations romaines : les lamelles semi-circulaires
à la base sont habituelles dès les débuts, tandis que les
lamelles rectangulaires allongées semblent avoir pris la place d'une
cotte de toile qui apparaît par exemple sur les statues de César
(Musée du Capitole, etc.) ; mais elles sont en métal dans
l'ensemble des représentations postérieures, cf. J. Wilpert, Die
römischen Mosaiken und Malereien der kiirchlichen Bauten vom 4. bis
13. Jahrhundert, III, pl. 24 ss., pour Sainte-Marie-Majeure ; WL Weidlé,
Mosaïques paléochrétiennes et byzantines, fig. 136-137,
pour un Saint Démétrios figuré dans une église du
XIIe siècle, à Kiev, où doit se conserver le souvenir d'une
image grecque antérieure, comme aussi pour le Saint Georges de Saint-Marc
de Venise (cf. p. ex. Malraux, Le Musée imaginaire, le Monde chrétien,
p. 74). Cf. aussi J. Ebersolt, La miniature byzantine, pl. 34, 1, p.
ex.
[61] Nous n'avons trouvé
aucun document comparable ; mais il est probable que cette défense supplémentaire
dérive de la cotte de toile mentionnée plus haut.
[62] Cette ceinture apparaît,
souvent aussi haut qu'à Argos, sur tous les exemples cités note
3. Elle présente quelquefois au milieu un nœud, qui n'est
pas figuré ici.
[63] D'autres représentations,
plus explicites, nous indiquent comment ces chaussures étaient faites.
A Antioche, par exemple, sur une mosaïque de l'époque constantinienne
(cf. D. Levi, Antioch, II, pl. LVI, a), où elles sont portées
par des chasseurs, il apparaît qu’elles sont composées de
lanières, soit parallèles, soit croisées, qui se rattachent
à l’arrière à un contrefort plus ou moins important ;
mais toujours on voit l'extrémité des lanières nouées
à la partie supérieure, que cache à Argos le retroussis.
On retrouve ce retroussis, à Antioche, dans des exemples plus tardifs
(cf. ibid., pl. LXXXVI, a, de la fin du Ve siècle). Ces diverses
représentations, comme aussi à Argos celles des mois de Juillet,
de Septembre et de Novembre, indiquent que les chaussures pouvaient être
portées plus ou moins hautes, leur souplesse permettant de les retrousser
facilement. Elles semblent avoir joui d'une grande vogue dans tout le Bas-Empire
et les débuts de l'époque byzantine (cf. les exemples nombreux
de J. Wilpert, Die römischen Mosaiken und Malereien..., III, pl.
8, pl. 9, pl. 22, 23, etc., avec leurs lanières rouges ; Weidlé,
l. l., fig. 29 etc.). Il est difficile de déterminer leur nom
antique, ou plutôt
, dont la description
semble correspondre plus précisément (cf. ,
l. l., IV, p. 411) : en fait, ces chaussures dérivent du type
des endromides, mais avec une importance beaucoup plus grande donnée
an laçage.
[64] Cf. ci-dessous, p. 259.
[65] Inscription des deux côtés
de la tête .
[66] Normalement, la tunique était
tissée d'une seule pièce, et la fente pour la tête réservée
entre deux files de chaîne.
[67] Pour ces ornements, cf. ci-dessous,
p. 242, n. 5.
[68] Dans la mesure où elles
sont bien faites de peau, ces chaussures hautes se
rattachent au type des bottes molles grecques,
ou , des perones
latins, et des tsangae byzantines, cf. Dict. d'arch. chrétienne
et de liturgie, III, s. v. chaussures, 1245 et fig. 2741 et ,
l. l., IV, p. 409. Il est peu probable que les traits verticaux qui apparaissent
assez nettement à Argos correspondent à une sorte de tissu : il
s'agirait alors de ces udones, ou queroli, ou cothurni, qui
servaient à la fois de bas et de chaussures (cf. Martial, Epigr.,
XIV, 140). De toute manière, elles sont bien attestées dans les
représentations figurées, encore que la tunique tombante empêche
souvent d'en voir la partie supérieure, cf. D. Levi, Antioch,
II, pl. LIX, b ; J. Wilpert, Die römischen Mosaiken und Maiereien....
III, p. 105, etc.
[69] Inscription dans l'angle haut
gauche .
[70] Le rendu en est très
proche de celui des corbeilles à la bordure extérieure, cf. ci-dessus,
p. 226, n. 5.
[71] Cf. ci-dessous, p. 261. Non
pas exactement d'ailleurs ce que nous appelons des roses, mais des sortes d'églantines,
puisque celles-là n'étaient pas connues dans l'antiquité.
[72] Inscription des deux côtés
du corps .
[73] On interprète difficilement
le pan d'étoffe ( ?) qui semble se soulever au-dessus de l'épaule
droite du personnage. Il est gris comme la robe, avec deux traits parallèles
rouges qui pourraient constituer une broderie.
[74] Ces sandales, du type de la
solea romaine, nous sont bien connues par les représentations,
de mosaïque par exemple, dès le début du IIe siècle
à Antioche (cf. D. Levi, Antioch, II, pl. V, b), avec d'ailleurs
telle ou telle particularité (ainsi, la languette centrale s'élargissant
en haut, ibid., XLVIII b ; ou le nœud, qui apparaît bien à
Ravenne, cf. A. Grabar, La peinture byzantine, p. 53, 54, 55, etc.).
A Argos, on ne voit pas de noeud, mais les lanières verticales dépassent
un peu au-dessus du lien horizontal, comme semble-t-il, dans quelques autres
exemples (cf. B. Pace, I mosaici di Piazza Armerina, pl. XVIII ; peut-être
aussi J. Wilpert, l. l., pl. 9 et pl. 10).
[75] Inscription dans l'angle en
haut à gauche, .
[76] Cf. l'article de H. Seyrig,
cité ci-dessus, p. 235, n. 3, où l'on retrouve des ornements du
type.
[77] Cf. ci-dessous, p. 262-263.
[78] Inscription en haut et à
droite .
[79] Il s'agit là de la tunique
longue à manches, tunica talaris descincta, ,
dont la vogue semble s'établir à partir du IVe siècle.
C'est la dalmatica des Catacombes, souvent ornée de deux bandes
verticales, cf. J.Wilpert, Die Malereien der Kalakomben Roms, passim.
[80] On retrouve à Antioche
(cf. D. Levi, Antioch, II, pl. LVII, a et b), vers le début du
IVe siècle, des tuniques ornées aussi de bandes partant des épaules,
et s'amincissant aux extrémités, pour former un petit pédoncule
terminé par un ornement rond.
[81] La terminologie de tous ces
ornements ne semble pas bien fixée; mais peut-être ne l'a-t-elle
jamais été. Il s'agit certainement, plutôt que de ce que
les Romains appelaient paragaudis ou patagium, de segmenta
(cf. Daremberg-Saglio-Pottier, D. A., sous ces trois mots), ornements
rapportés qui pouvaient s'appeler orbiculi quand ils étaient
ronds, ou encore galliculae ou calliculae (cf. Dict. d'arch.
chrét. et de liturgie, s. v. calliculae) ou segmenta.
De toute manière, ces ornements se retrouvent en abondance sur les robes
riches du Bas-Empire romain ; cf. déjà à Piazza Armerina
(B. Pace, I mosaici di Piazza Armerina, p. 71, XIII), avec des caractéristiques
très semblables à celles d'Argos; à Antioche (D. Levi,
Antioch, II, LXIII, e, etc.).
[82] La semelle semble se retourner
à l'arrière pour suivre le mouvement du talon. Mais la même
particularité se remarque devant les orteils du pied droit de Juin :
il ne s'agit que d'une convention pour indiquer la ligne de fuite, en perspective,
de la semelle : l'origine en apparaît bien au pied gauche du Christ de
Saint-Côme-et-Damien, à Rome, cf. Wl. Weidlé, Mosaïques
paléochrétiennes et byzantines, pl. 33.
[83] On a soutenu que la pastèque
existait dans l'antiquité, (cf. Schrader, Reallexicon der indogermanischen
Altertumskunde, p. 484; Steier, Pauly-Wissowa, s. v. Melone,
col. 563-565) ; et aussi, mais probablement à tort, que seul le
melon était connu (cf. V. Heurt, Kulturpflanzen und Hausthiere,
p. 317). Il est certain qu'à l'heure actuelle les Grecs utilisent, pour
calmer leur soif, la pastèque plutôt que le melon. On trouve aussi
parfois, dans des représentations du même ordre (cf. ci-dessous,
p. 263, n. 8) des fruits allongés, que nous interpréterions comme
des concombres plutôt que comme des aubergines, pour une raison semblable.
[84] Ces éventails sont bien
connus dans toute l'antiquité ; celui d'Argos est d'un type commun à
l’époque byzantine, ripivς,
cf. D. Levi, The Allegories of the
Months in classical Art, dans The Art Bulletin, décembre 1941,
fig. 11, où l'éventail d'août est carré, avec les
mêmes diagonales que dans notre représentation ; et bibliographie
ibid., p. 266, n. 37.
[85] Inscription dans l'angle en
haut à gauche .
[86] Cf. ci-dessous, p. 264.
[87] On en trouve une, de type très
semblable, dans J. Wilpert, Die römischen Mosaiken und Malereien....
III, pl. 6 (époque constantinienne). Cf. aussi.G. M. A. Hanfmann, The
season Sarcophagus in Dumbarion Oates, fig. 45 et fig. 148; et D. Levi,
The Allegories of the Months, fig. 17, etc.
[88] Inscription dans l'angle en
haut à droite : .
[89] Pour la forme de la bouteille
et de la coupe, cf. A. Devine, Histoire de l'art de la verrerie dans l’antiquité,
pl. LXX ; C. H. Kraeling, Gerasa, City of the Decapolis, p. 525, fig.
20, p. 534 fig. 25.
[90] Inscription dans l'angle en
haut à gauche:
[91] Mais un mouvement biais des
lignes de cubes pourrait faire supposer aussi qu'il s'agit d'une bande d'étoffe
enroulés atour de la jambe, comme pour Février. Pour des représentation
de bas montant jusque sur le genou, cf. p. ex. D. Levi, Antioch, II,
pl. LIX, c.
[92] Les deux tiges ne représentent
pas, comme on pourrait le croire d'abord, les deux manches de la charrue, conçue
à la manière moderne. La charrue antique comporte seulement un
seul manche, sur lequel s'appuie le laboureur, tandis que de l'autre main il
aiguillonne les bêtes ; cf. ex. la mosaïque de la vie champêtre
à Caesarea-Cherchel en Algérie (ibid., I, p. 541,
fig. 204). Nous avons donc, à Argos, deux pièces de bois qui sont
dans le plan du soc, et non dans le plan perpendiculaire : l'une, à gauche,
est le manche, l'autre la tige sur laquelle on fixe le timon. Ainsi s’explique
le différence de hauteur de ces deux pièces, qu'il ne faut pas
attribuer à une volonté de perspective (cf. ci-dessous, p. 254).
[93] C'était l'instrument
utilisé normalement pour tous les travaux du bois (cf. Dict. d'arch.
et de liturgie, XIII, s. v. outils, 162-163).
[94] Inscription des deux côtés
de la tète .
[95] On connaît cette tunique
fendue à la base à Antioche, dès le IVe siècle (cf.
D. Levi, Antioch, II, pl. LXIII, e). Dans d'autres cas, les pans
étaient arrondis, cf. p. ex. Daremberg-Suglio-Pottier, D. A., fig.
6279 ; Hanfmann, The Season Sarcophagus..., fig. 146 (exemple du VIe
ou VIIe s.).
[96] Cette pèlerine, à
capuchon (alicula), ou sans capuchon, a été fréquemment
étudiée: cf. Bodenwalt, Eine spätantike Kunslströmung,
R. M., 36-37 (1921-22), p.58 ss.; W. Deonna,
De Télesphore au “ moine bourru ” dans Latomus,
21 (1955), p. 7-23. C'est celle que l'iconographie chrétienne a attribuée
très souvent au Bon Pasteur: cf. Dict. d'arch. chr. et de liturgie,
XIII, 2302, s.v. Bon Pasteur, fig. 9945,
9947, 9960, etc. ; J. Wilpert, Die Malereien der Katakornben Roms, pl.
51, 2, 117, 2, etc. Sur ce dernier exemple, comme sur celui du Dict. d'arch.
chr. et de l., I, fig. 345, des stries représentent les poils de
la peau de bête dont est faite la pèlerine : il est possible que
les “ franges ” d'Argos aient même signification. De
même, les chaussures de Décembre rappellent celles du Bon Pasteur,
qui comportent des brodequins et des jambières (mais celles-ci normalement
du type des fasciae crurales). En fait, il s'agit dans les deux
cas du costume typique des gens vivant en plein air, cf. les bergers de J. Wilpert,
Die römischen Mosaiken und Malereien.... III, pl. 11, 2. Le mauvais
état de conservation de la mosaïque fait qu'on ne saurait déterminer,
à Argos, si Décembre porte une pèlerine à capuchon
; il est possible que celui-ci soit rabattu à l'arrière, pour
mieux découvrir les cheveux blancs (?).
[97] Le noir était la couleur
la plus fréquente pour les chaussures d'usage courant, cf. Koukoules,
l. l., IV, p. 402.
[98] Qui renforce encore l'analogie
avec la figure du Bon Pasteur.
[99] Cf. ci-dessus, p. 233. H. Stern
(Le calendrier de 354, p. 221) a déjà proposé, pour
la datation de ce pavement, la fin du Ve siècle ou le début du
Vie, à partir du seul premier panneau connu alors, critiquant par là
la thèse de Vollgraff (loc. cit.) qui le plaçait à
l’époque constantinienne.
[100] Il ne semble pas qu'on puisse
beaucoup tirer de la forme des lettres, surtout à cause du caractère
assez spécial que leur donne la technique même de la mosaïque.
Si on comparait avec les mosaïques d'Antioche (D. Levi, Antioch, Appendice
2, epigraphical table, p. 627-629), l'alpha à barre brisée, les
apices, les arrondis des lettres, leur allongement, feraient penser à
une date postérieure au milieu du IVe siècle, plus précisément
au Ve ou au VIe siècle. Mais cf., à Gerasa par exemple, la diversité
des formes pour cette même période, C. H. Kraeling, Gerasa....
p. 366-367.
[101] Notation qui, toutes proportions
gardées, évoque la polychromie conventionnelle de la statuaire
grecque archaique. On retrouve cet iris rouge à Ravenne, cf. J. Wilpert,
Die römischen Mosaiken und Malereien.... III, pl. 79.
[102] Cf. encore, pour Ravenne,
ibid., pl. 94, 95; A. Grabar, La peinture byzantine, p. 66, etc.
[103] De même, le trait
violacé de vin foncé qui cerne le bras de Juin contraste avec
le trait violacé clair qui cerne les mains de Mai.
[104] Les sourcils sont faits
de deux points noirs de chaque côté, encastrés curieusement
aux extrémités intérieures des lignes brique de l'arcade
sourcilière.
[105] Cf. D. Levi, Antioch,
II, pl. LXXXIV, d (vers 500) ; I, p. 576, etc.
[106] Cf. J. Wilpert, Die römischen
Mosaiken und Malereien.... pl. 92, 93, ss., chapelle
archiépiscopale de Ravenne, vers 500 ; A. Grabar, La peinture byzantine,
p. 54-55, 64, etc. Cf. aussi, pour l'église de Saint-Démétrios
à Salonique, ibid., page de garde (VIIe siècle ? ou un
peu avant ?).
[107] Alors qu'au IVe siècle,
les visages sont présentés sous tous les angles, les veux ne regardant
jamais le spectateur, on aboutit à la présentation axiale absolue
dès le VIe siècle, cf. M. Van Berchem et E. Clouzot, Mosaïques
chrétiennes du IVe au Xe siècle, p. XX.
[108] La lumière tombe
à plat sur ces visages : on remarquera pourtant qu'à Argos, la
plus foncée des lignes qui forment le nez est à droite: il en
est ainsi à Ravenne aussi, cf. p. ex. Wl. Weidle, Mosaïques paléochrétiennes
et byzantines, fig. 21, 38 ss.
[109] On assiste à la naissance
du cerne, à Piazza Armerina (cf. B. Pace, I mosaici di Piazza
Armerina, pl XIV et XV) par une accentuation de la couleur des surfaces,
à leurs limites, mais surtout à Antioche, dès le IIIe siècle
(D. Levi, Antioch, II, pl. XLIII, a, petit amour en haut à droite),
par souci de souligner une ligne, là où un objet clair pourrait
se confondre avec le fond clair ; puis, vers le Ve siècle, il semble
à peu près réalisé (ibid., pl. LXVII,
d ; LXX, c ; LXXXIV, d). A Sainte-Marie-Majeure, vers le milieu du IVe siècle,
il arrive qu'on ait pratiqué un cerne “ bicolore ”
(cf. J. Wilpert, Die römischen Mosaiken und Malereien.... III, pl.
12, 2), rouge d'un côté, noir de l’autre, pour mieux souligner
les formes. A Ravenne, le cerne ne semble pas utilisé au Mausolée
de Galla Placidia (A. Grabar, l. l., p. 53), tandis qu'il devient normal,
pour limiter les surfaces claires, à Saint-Apollinaire-le-Neuf (ibid.,
p. 54-55, etc.). L'emploi constant qui en est fait à Argos ne saurait
être antérieur aux débuts du VIe siècle.
[110] On pense aux procédés
de Cranach ou d'autres “ primitifs ”, qui “ se contentaient
d'examiner les volumes par les renflements et les dépressions du contour
” (A. Lhote, Traité de la figure, p. 40).
[111] Pour le nez, nous l'avons
vu (cf. ci-dessus, p. 250, n. 4), une ligne plus dure en souligne la structure,
normalement située à droite de la ligne claire qui forme l'arête
; mais elle est entourée d'un côté par une ligne rose, de
l'autre par une ligne jaune, d'intensité à peu près équivalente.
Il y a dans ces juxtapositions une volonté d'expressionnisme qui aboutit
à Ravenne aux lignes uges des paupières de Théodora, au
cerne rouge de sa main (cf. Grabar, Peinture byzantine, p. 64,65).
[112] Ce caractère devient
clair, si on compare la figure avec le consul de Saint Démétrios
de Ionique (A. Grabar, ibid., p. 50), où le vêtement est
traité comme une surface plate. On pourrait donc avoir à Argos
une copie, mais d'une œuvre mai comprise (cf. le rendu des chaussures,
ci-dessus, p. 234, n. 1 ; et peut-être aussi la surface du plateau sur
lequel tombent les monnaies, p. 235, n. 1. dont la zone jaune clair ne s'explique
pas dans la représentation d'Argos).
[113] Cf. ci-dessus, p. 235, n.
4.
[114] Il est particulièrement
évident à Ravenne, dans les fresques de Saint-Apollinaire-le-Neuf,
d'après 526 (cf. A. Grabar, l. l., p. 54, 55, ss.) : sur les draperies
d'un blanc plat, les ombres font un jeu abstrait de lignes bleu clair; cf. aussi,
pour Antioche, D. Levi, Antioch, I, p. 570, qui parle d'un “ rendu
superficiel ” de la draperie, déjà pour la fin du IVe. Mais
les caractères d'Argos nous conduisent à une période nettement
postérieure, cf. Wl. Weidlé, Mosaiques paléochrétiennes
et byzantines, pl. II, III, pour des mosaïques du Ve siècle
à Milan, etc.
[115] Ce schéma se retrouve
souvent à Piazza Armerina et ailleurs; mais la position exacte des pieds
d'Argos semble caractériser des exemples des Ve et VIe siècles,
cf. Wl. Weidlé, Mosaïques paléochrétiennes et byzantines,
pl. 19 et ss. ; J. Wilpert, Die römischen Mosaiken und Malereien...,
III, pl. 47 ; D. Levi, The Allegories of the Months... dans The Art
Bulletin décembre 1941, fig. 12 (mois d'Avril à Août)
; G. M. A. Hanfinann, The Season Sarcophagus, fig. 145, etc.
[116] Cf. une déformation
du même ordre, Stern, Calendrier de 354, p. 346 (table de jeu dans
R 1).
[117] A Ravenne, c'est du Ve au
VIe siècle qu'on passe du fond bleu au fond or (cf. A. Grabar, La
peinture byzantine, p. 50-57), dont on a comme un équivalent dans
les fonds jaune paille d'Argos.
[118] Des divisions du même
type apparaissent, à Antioche par exemple, déjà à
l'époque antonine, cf. D. Levi, Antioch, II, pl. XII, a et b,
où les pieds des personnages reposent sur une bande claire, qui figure
le premier plan ; immédiatement au-dessus vient une bande un peu plus
sombre, avec arbres et maison ; enfin, le fond proprement dit descend environ
au niveau des mollets des personnages, c'est-à-dire aussi bas qu'à
Argos.
[119] Déjà à
l'époque constantinienne, on voit à Antioche (D. Levi, Antioch,
II ; pl. LIX, b, c, d) une “ ligne de sol ” qui s'infléchit
pour suivre les pieds des personnages et la base au décor ; ailleurs
(ibid. pl. LXV, b) c'est l'ombre entre les pieds des personnages qui
joue ce rôle ; ou en trouverait d'autres exemples à Piazza Armerina,
“ Ambulacro della Caccia ” ; cf. aussi J. Wilpert, Die römischen
Mosaiken und Malereien... pl. 84 et 85 (Ve siècle), où
cette ombre trace des arcs, dont on pressent comment ils pourront devenir la
ligne sinueuse d'Argos ; le tracé est plus complet ibid., pl.
98, et, à Antioche, D. Levi, Antioch, II, pl. LXX, c, où
les pattes d'un lion semblent s’enfoncer dans une ligne de sol plus élastique
encore qu'à Argos. L'évolution n'est pas allée au même
rythme dans ces différents centres (le dernier exemple d'Antioche serait
d'environ 425), ce qui interdit de faire de cette particularité un critère
précis de datation. Cf. G. Brett, The
great Palace of the Byzantine Emperors, p. 93-96.
[120] Cf. par exemple, à
Saint-Vital de Ravenne, la surface d'un vert plus foncé qui passe un
peu plus bas que les pieds de Justinien et de sa suite, J. Wilpert, l. l.,
pl. 109, etc. Cf. aussi les
gladiateurs de la Villa Borghèse, M. E. Blake, Mosaics of the late
Empire in Rome and vincinity, dans M. A. A. R. 17 (1940), pl. 30.
[121] Un décor architectural,
avec colonnes en avancée, corniche très saillante, comme celui
Antioche, D. Levi, Antioch, II, pl. XXVIT, a, ou pl. XXX, est aussi peu
adapté que possible à la décoration d’un pavement.
[122] Ce n'est plus, comme dans
la perspective classique, un espace qui s'enfuit devant le spectateur ; au contraire,
il s'en approche, pour s'étaler sur la surface décorée.
A. Grabar a bien marqué cet “ évanouissement ”
de la troisième dimension (La peinture byzantine, p.. 33, 54 ss.),
dès la première moitié du Ve siècle.
[123] Ibid., p. 35. De
plus à Argos, comme à Ravenne, les personnages, même appartenant
au même panneau, sont indépendants les uns des autres, sans lien
d'action ni de pensée (cf. ibid., p. 37)
puisqu'ils sont sans rapports spatiaux, cf. D. Levi, Antioch, I, p. 558
ss.
[124] Elle s'oppose, en particulier,
au pavement du grand palais de Constantinople, cf. ibid., p. 75 et G.
Brett, The great Palace of the Byzantine Emperors, p. 64-97, qui sont
probablement du Ve siècle, mais où une inspiration parfaitement
classique se reconnaît aux figures de profil, à la recherche du
volume, au rendu dé la matérialité.
[125] Nous emprunterons la plupart
de nos comparaisons à trois travaux essentiels qui concernent cette iconographie
des mois : J. C. Webster, The Labors of the Months in Antique and Mediaeval
Art (Princeton, 1938) ; et surtout D. Levi, The Allegories of the Months
in Classical Arts, dans The Art Bulletin, 23 (1941), p. 241-291 (que
nous abrégerons D. Levi, Allegories) et H. Stern, 1e calendrier
de 354 (que nous abrégerons Stern, Calendrier).
[126] Cf. Stern, Calendrier,
p. 377.
[127] Ibid., p. 375-376,
qui cite Fr. Sylv. J. Saller et Fr. Bellarmino Bagatti, The Towns of Nebo,
1949, Publications of the Studium Biblicum Franciscanum, no 7, p.
275 ss., pl. 46 ss.
[128] Cf. D. Levi, Allegories,
p. 255.
[129] Cf. Stern, Calendrier,
p. 132-133 et 155-156.
[130] Cf. R. Delbrueck, Die Consulardiplychen,
pl. 16, 23-25, 32, 34.
[131] Cf. Stern, Calendrier,
p. 155-164.
[132] lbid., p. 266-268.
[133] Cf. D. Levi, Allegories,
p. 256-257.
[134] Cf. Stern, Calendrier,
p. 235.
[135] Cf. D. Levi, Allegories,
p. 256.
[136] Cf. D. Levi, Allegories,
n° 11 et p. 282 ; V. Bérard, Tégée et Tégéatide,
BCH, 17 (1893), p. 13 ss. La proximité géographique de
Tégée et d'Argos rend ce pavement particulièrement précieux
pour l'interprétation de notre document. Stern en a bien marqué
l'appartenance aux cycles grecs, cf. Calendrier, p. 225, n. 8, contra
à D. Levi, Allegories, p. 282.
[137] Cf. D. Levi, Allegories,
p. 256.
[138] Dans les deux autres exemples,
on ne peut malheureusement pas distinguer l'attribut des figures.
[139] Cf. la longue bibliographie
de D. Levi, Allegories, p. 256, n. 16 ; la mosaïque de Volubilis
(R. Étienne, Dionysos et les quatre Saisons sur une mosaïque
de Volubilis, dans Mélanges d'arch. et d'histoire, Ecole Fr. de
Rome, 63 (1951), 93-118) ; et G. M. A. Hanfmann, The Season Sarcophagus...,
II, fig. 20, 31, 33, 47, 93, etc.
[140] Cf. R. P. Vincent, Revue
Biblique, 31 (1922), p. 259-281, pl. 8 et J. Lassus, Sanctuaires chrétiens
de la Syrie, p. 83 ss.
[141] L'idée d'humidité,
symbolisée dans cet exemple par une jarre l'eau qui se répand,
dans le Calendrier de 354 par une amphore renversée, est à peine
sous-entendue à Argos, comme dans la majorité des cas, dans l'image
des canards, gibier aquatique. Mais la couleur verte du manteau, en l'absence
de cubes bleus sur notre pavement, répond peut-être au “
caeruleus amictus ” du Calendrier de Filocalus, D. Levi, Allegories,
p. 255-256, et au manteau bleu de l'hiver sur la mosaïque de Volubilis
citée ci-dessus, note 10, p. 258.
[142] Cf. Stern, Calendrier,
p. 237-239.
[143] En fait, dans l'iconographie
des Saisons, le rosier accompagne le Printemps, tandis que l'Hiver, auquel se
rattache, nous l'avons vu, le mois de Février, est souvent caractérisé
par ses roseaux (cf. p. ex. G. M. A. Hanfmann, The Season Sarcophagus...,
II, fig. 93, 102, etc.). Le mosaïste d'Argos, copiant probablement un répertoire
tout préparé, n'aurait-il pu faire une confusion entre les deux
accessoires ? Surtout si, par exemple, son modèle présentait le
rosier du Printemps entre le Printemps et l'Hiver.
[144] Cf. Stern, Calendrier,
p. 225 ; et déjà, sur cette distinction, D. Levi, Allegories,
p. 280 ss.
[145] Cf. ci-dessus, p. 258, n.
7.
[146] Cf. D. Levi, Allegories,
p. 258. L'image même du berger occupé à traire une chèvre
était utilisée pour symboliser la Saison du Printemps, et. p.
ex. G. M; A. Hantmann, The Season Sarcophagus..., II, pl. 1, 2, etc.
[147] Cf. Pauly-Wissowa, R.
E. s. v. Schwalben und Segler.
[148] Cf. les exemples réunis
par Stern, Calendrier, p. 241-242.
[149] Cf. D. Levi, Allegories,
n. 10, p. 258.
[150] Cf. Stern, Calendrier,
p. 239.
[151] Cf. A. Furtwaengler, Die
antiken Gemmen, II, pl. 24, 10, et p. 119, qui rappelle le vieil oracle
de Mars à Tiora – serait-ce l'origine du thème ? ;
et A. F. Gori, Museum Florentinum, II, 1732, pl. 39, n° 4.
[152] Ainsi le mois de Mars, à
Beisan, lève la main “ in a rhetorical gesture, like a general
in the adlocutico ” (D. Levi, Allegories, p. 258) ; mais il
pourrait s'agir du même thème qu'à Argos, incomplètement
reproduit : ce pavement est du VIe siècle.
[153] Cf. Stern, Calendrier,
p. 269-277.
[154] Cf. Antioch on the Orontes,
II, p. 192.
[155] Comme l'a bien vu Stern,
Calendrier, p. 243 et n. 2.
[156] Cf. D. Levi, Allegories,
p. 257 ss.
[157] Cf. Stern, Calendrier,
p. 243-244.
[158] Dans la plupart des exemples
cités par D. Levi et H. Stern.
[159] Cf. par exemple B. Keil,
Die Monatcyclen der byzantinischen Kunst, p. 110.
[160] Cf. Stern, Calendrier,
p. 248-249.
[161] Cf. D. Levi, Antioch,
p. 305, et 11, pl. LIV a. ; Stern, Calendrier, p. 250. Ce doit être
des roses que porte le Printemps de Volubilis, cf. R. Étienne, Dionysos
et les quatre saisons... l. l., p. 103, et p. 106, n. 3, qui complète
la bibliographie des Saisons.
[162] Cf. Stern, Calendrier,
p. 212 et 252.
[163] Cf. ibid., p.
250.
[164] Cf. D. Levi, Allegories,
p. 261.
[165] Je suis en cela Strzygowski,
Die Calenderbilder des Chronographen vom Jahre 354, dans J. D. A.
I., Ergänzungsheft, I, 1888, et Stern, Calendrier, p.
249.
[166] Dans le pavement de Tégée
mentionné plus haut, p. 258, n. 7, Mai porte devant lui un panier rempli
d'objets difficiles à identifier, mais qui doivent être aussi des
fleurs. Pour le schéma lui-même, cf. de nombreuses figurations
sur des sarcophages, G. M. A. Hanfmann, The Season Sarcophagus.... II,
fig. 20, 27 a, 42 (utilisé pour les quatre Saisons), etc.
[167] Cf. Stern, Calendrier,
p. 251. A Argos, Mai n'est pas mieux habillé que Juillet, et il l'est
moins bien que Juin et Août.
[168] Cf. Stern, Calendrier,
p. 250.
[169] Cf. ibid., p. 228
et p.251.
[170] Cf. en particulier P. Lemerle,
BCH, 60 (1936), p. 336-343.
[171] Cf. D. Levi, Allegories,
p. 262.
[172] Cf. Stern, Calendrier,
p. 223, et D. Levi, Allegories, p. 264, pour l'image de Beisan.
[173] Cf. H. Stern, Poésies
et représentations carolingiennes et byzantines des mois, dans R. A.
1955, I, p. 174.
[174] Cf. D. Levi, Allegories,
p. 262.
[175] Cf. ibid., p. 263.
[176] Cf. Stern, Calendrier,
p. 253-257.
[177] Cf. D. Levi, Antioch,
II, pl. XXXII, b; et pl. LIY, b.
[178] Cf. G. M. A. Hanfmann, The
Season Sarcophagus... II, fig. 31, 90, 92, 145, 105 (avec mouvement
inversé).
[179] Cf. Stern, Calendrier,
p. 287.
[180] Cf. ibid., n. 4-7.
[181] Cf. D. Levi, Allegories,
p. 264; Stern, Calendrier, p. 287-288.
[182] Cf. Dict. d'arch. chr.
et de lilurgie. 11, 1, col. 775-777, s. v. mesure, et fig. 8015. Il s'agit
de cassettes, carrées ou rectangulaires, comme celle d'Argos, dont les
côtés ont de 0 m. 33 0 m. 40 de long – dimensions qui paraissent
correspondre aussi à celles de la mosaïque ; c'était le type
du “ vas pedi quadrati ”, ou “ quadrantal ”
, ou “ amphora ”, utilisé pour mesurer le vin mais aussi
le blé.
[183] Cf. D. Levi, Allegories,
p. 263 ; encore l'attribut peut-il être tout aussi bien un sac
de fruits, ou une cage d'oiseaux...
[184] Ainsi l'image de Marc. cod.
grec. DXL (XIe siècle), (Stern, Calendrier, p. 227), et les poèmes
de Prodrome et de Philès (ibid., p. 229) ; cf. aussi Stern,
Poésies et représentations carolingiennes et byzantines des
mois, R. A. 1955, I, p. 168 et p. 176.
[185] Cf. Stern, Calendrier,
p. 258-260.
[186] Cf. ci-dessus, p. 243, n.
1.
[187] Cf. Stern, Calendrier,
p. 261-262.
[188] Ainsi en est-il au Hammam
de Beisan, Webster, n. 15 ; cf. Stern, ibid., p. 261, et en génér
A. Xyngopoulos,
, I (1924) p. 180-188.
[189] Ainsi dans des figurations
de cycles grecs, dont celle de Tégée, et. Stern, Calendrier,
p. 223 et p. 261. On a reconnu dans ces fruits des aubergines (ibid., et
p. 217); mais, pour ceux du moins qui sont figurés dans les médaillons
de bordure à Argos, il ne fait pas de doute, à cause de leur couleur,
qu'il s'agit de concombres ; et le choix de ce fruit s'explique mieux, si l'on
songe à l'emploi que les Grecs en font toujours pour calmer leur soif.
[190] Cf. Stern, Calendrier,
p. 261.
[191] Cf. p. ex. D. Levi, Antioch,
II, pl. LV, a.
[192] Cf. D. Levi, Allegories,
p. 267, etc.; Stern, Calendrier, p. 376; on retrouve au monastère
de Beisan le panier, mais porté par le personnage. Pourtant, à
Tégée et ailleurs, les raisins sont remplacés par des pommes,
el. Stern, Calendrier, p. 223.
[193] Cf. p. ex. Hanfmann, The
Season Sarcophagus.... II, fig. 21,31,145, avec souvent, comme à
Argos, le panier de raisins.
[194] On noterait aussi le schéma
de certains reliefs cités à la note précédente,
où la Saison tient un raisin dans la main droite baissée.
[195] Cf. Stern, Calendrier,
p. 263-265.
[196] Elles doivent évidemment
se rattacher aux destructions causées dans les vignobles par les lézards
et aussi aux rapports du lézard et de Bacchus; mais il faudrait
faire intervenir par surcroît des légendes mal connues,
cf. ibid., p. 265.
[197] “ Vino vas calet ecce
novo ”, dit le Calendrier de Philoculus.
[198] Cf. ci-dessus, p. 263.
[199] Cf. A. Merlin, La
mosaïque du Seigneur Julius à Carthage, dans Bull. arch.
du Comité, 1921, p. 95-114, pl. 12 ; et aussi l'image du Calendrier
de 354, Stern, Calendrier, p. 245-247.
[200] Cf. p. ex. la mosaïque
de Kabr-Hiram, Stern, ibid., p. 222.
[201] Ibid., p. 223. Pour
les textes littéraires, ibid., p. 248.
[202] Par exemple sur la mosaïque
de Volubilis citée ci-dessus, p. 258, n. 7.
[203] Cf. Stern, Calendrier,
p. 279-282.
[204] Ainsi, le cycle de Carthage
Il, Stern, ibid., p. 282.
[205] lbid., p. 248.
[206] Cf. D. Levi, Allegories,
p. 276.
[207] Cf. Stern, Poésies
et représentations carolingiennes et byzantines,... l. l., p. 178.
[208] Cf. Stern, Calendrier,
p. 247. Cf. aussi les semailles d'automne au mois de Novembre de Gerasa, ibid.,
p. 376.
[209] Cf. ibid., p. 283,
où le personnage est d'ailleurs vêtu comme à Argos.
[210] Cf. D. Levi, Allegories,
p. 276.
[211] Cf. ci-dessus, p. 246, n.
3.
[212] Cf. une mosaïque de
Carthage, B. Cagnat, Mém. soc. Nat. Anl. de France, 57 (1896)
; 251-270, et les tableaux de Stern.
[213] Cf. Stern, Calendrier,
p. 231 ; Poésies et représentations carolingiennes... p.
182.
[214] Stern, l. l., y distingue
des images saisonnières, Février, Mars, Octobre ; des représentations
de fêtes religieuses, Janvier, Avril, Juillet, Novembre, Décembre
; et des images “ de caractère mixte ”, pour Mai, Juin,
Août, Septembre.
[215] Stern, ibid., p.
225.
[216] Cf. ci-dessus, p. 258, n.
7.
[217] Contra, D. Levi, Allegories,
p. 282; mais et. Stern, Calendrier, p. 225, n. 8.
[218] Cf. Stern, Poésies
et représentations carolingiennes et byzantines des mois, RA,
1955, p. 181; cf. aussi Calendrier, p. 294.
[219] Contra, D. Levi, Allegories,
p. 276. Ici encore, nous suivons Stern, Calendrier, p. 295.
[220] Mais cf. les “ scènes
” utilisées pour figurer les Saisons, G. M. A. Haut Mann, The
Season Sarcophagus in Dambarlon Oaks, fig. 148, 150 ; pour les images carolingiennes,
cf. Stern, Poésies et représentations... l. l., p. 152
ss. ; et, sur le problème lui-même, Olga Koseleff, Representations
of the Months and Zodiacal Signs in Queen Mary's Psalter, dans Gazette
des Beaux-Arts, Novembre 1942, p. 78-81 spécialement.
[221] Cf. Stern, Calendrier,
p. 296-298 ; et, pour d'autres exemples de travaux des champs non pas représentés,
mais évoqués, Poésies et représentations... l.
l., p. 163 et 174.
[222] Cf. par exemple la mosaïque
de Volubilis, R. Etienne, Dionysos et les quatre Saisons sur une mosaïque
de Volubilis, dans Mél. d'arch. et d'hist., 63 (1951), p.
108-109, et bibliographie dans les notes aux pages 110-112.
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